Beaucoup de Bauernwehr et Hauswehr que j'ai vu ont quand même des lames étroites et effilées, encore assez proche de la dague à rognons (j'avais oublié le nom civilisé). La lame est forte, donc en terme de résistance ça va pour "bricoler", mais on est encore assez loin de l'utilitaire. C'est pour ça que je parlais des petits sabres style Messer/Storta, un peu de la taille d'un briquet, qui ont souvent des lames plates assez fortes et des gardes simples qui permettent de les utiliser, dans une certaine mesure, en outils. Il ne s'agit pas de faire le Charles Ingals, mais de récolter le bois pour le bivouac, de tailler un chemin, etc, et bien sûr le self-defense. Je parle de ce genre de chose:
(bon, là on est clairement sur de l'ancêtre du sabre de pionnier, ça ne m'étonnerait même pas trop que le trou à la pointe soit pour fixer une sorte de poignée)
Vendu par Hermann Historica, et eux ils appellent ça un Bauernwehr...
Je connais un peu le travail de Elmslie. C'est intéressant, mais à refaire une typologie à notre époque, et bien je trouve qu'on ne devrait pas faire une typologie. La technologie nous permet maintenant de réunir des centaines, des miliers d'images, associées à du texte, et à les organiser selon différents critères. Il me semblerait donc bien plus intéressant de faire un travail de recensement "exhaustif" des artefacts parvenus jusqu'à nous, et des représentations, et à les "situer" sur une sorte d'abre généalogique localisé, permettant de montrer à la fois les types majoritaires, l'évolution tendancielle, et la diversité. Une base de donnée de ce genre peut être étendue dans l'espace et dans le temps, présentant un phénomène dans sa complexité, plutôt que le réduire à des catégories plus ou moins arbitraires (avec en toile de fond la question majeure soulevée par l'hypothèse Sapir-Whorf). Sans même aller jusque là, si on dit déjà "un fauchon type Cluny" (bien plus élégant que le Conyers), ou "un fauchon type Thorpe", tout le monde voit de quoi on parle, et en faisant référence à un artefact spécifique, on ne pose pas des généralités dont on ne contrôle pas la portée. A la limite, il est plus sain de mettre au point un vocabulaire descriptif précis, style " forte lame simple tranchant étroite, de 80cm, droite et plate, pointe remontante avec un court contre-tranchant" ou "lame simple tranchant large, fortement évasée, 65cm, gouttière étroite courant près du dos, pointe alignée avec le dos, courbe légèrement inversée", mais ça, une image le transmet mieux que des mots, et ça tombe bien car on est plus dans les années 20, et les images s'échangent avec plus de facilité aujourd'hui que les ragôts au bar. Bref... les typologies, j'aime pas trop ça.
Rapport au "trou" entre le Xe et XIIIe, il ne faut pas oublier que, par défaut, les choses s'oublient et les objets en fer rouillent ou sont recyclées. Si la classe "cultivée", celle qui produit les représentations, se désintéresse d'une sujet quelconque, très très peu de choses nous en parviennent. Par exemple, j'ai un mal considérable à trouver des représentations de serpes (sinon éventuellement dans le contexte viticole, qui ne m'intéresse pas), parce que ça fait partie des aspects les plus anodins de la vie paysanne, et que ça n'a intéressé personne. Dans les textes, c'est pire encore: aujourd'hui le mot "serpe" s'est imposé un peu partout, et est devenu générique, mais avant, chaque "pays" avait son vocabulaire, son terme, et des mots proches pouvaient en plus parfois désigner des objets assez différents (par exemple, ici à Thiers, une "gouaye" est une serpe à main normale, dans le Cantal, on dit une "pode", mais dans la Nièvre, un "gouyard" est une serpe emmanchée comme un croissant, et en langue d'Oc, "serpe", c'est un serpent!). Les fauchons (au sens large, pas au sens d'Elmslie) peuvent avoir simplement été l'objet d'un désintérêt du même genre. Et quand on voit certains fauchons, la parenté avec les serpes/beidane saute aux yeux, ici des exemples tirés du Roman d'Alexandre, daté 1338-44:
Comment, une branche de garde façon knuckle bow au XIVe siècle! Bah oui, parce que ce n'est jamais que le gancio de la roncola basique qui s'est allongé et rebouclé sur le dessus du manche, laissant dépasser une petite excroissance typique au cul du manche:
Les sabres, c'est une histoire compliquée. C'est quoi, un "vrai sabre"? Il y a les "sabres avars" qu'on voit sur l'image que j'ai posté plus haut. On a les paramerion, dès le Xe siècle, si je ne m'abuse, qui ont des lames étroites et courbées, et parfois des montures orientées, et qui descendent probablement desdits "sabres avars". On a des espèces de sabres iraniens du VIIe siècle à lame droite et à monture très légère en tôle qui semblent clairement être parents des shashkas:
De ces montures en tôles descendent probablement les calottes en tôle, typiques des sabres hongrois et polonais, qui ont vraiment fait advenir en Europe occidentale la suprématie du sabre à partir du milieu du XVIIIe siècle, c'est à dire du sabre à calotte, car on a employé des sabres à pommeau depuis bien longtemps (puisque ça remonte aux fauchons, en passant par les storta et les dussacks type "Sinclair hilt", et enfin les sabres de grenadiers). On est donc bien en peine là aussi de dire ce qu'est ou n'est pas un sabre, et où en placer le commencement. J'en reviens à mon idée qu'une succession d'images organisées éclairci et détaille ce que les mots rendent confus et approximatif.
Pour en revenir un peu aux serpes type couperet, je me permet au passage de signale les Waidpraxen germaniques, sortes de couperets de chasse fabriqués comme des Messer, qui devaient probablement aussi pouvoir servir pour le bois dans une certaine mesure: