Takeda est à part, même pour les autres couteliers japonais. Et il l'explique très bien en disant que si c'était pour faire comme les autres, il y en avait déjà assez comme ça... C'est une espèce d'intello iconoclaste, qui n'est pas issu du sérail, ni d'une grande ville coutelière ; qui a d'abord été connu en Occident et qui maintenant commence à l'être chez lui. Son succès vient du fait qu'il a su démystifier chez nous la coutellerie japonaise, en proposant uniquement de l'émouture western. Et si ça prend au Japon, c'est parce que eux aussi ont changé… Surtout changé d'habitudes alimentaires.
Faut pas croire que la ménagère japonaise y entrave quoi que ce soit en coutellerie et en traditions... Elle ne cuisine pas ! La femme moderne travaille et pour cuisiner, elle achète du Zwillings, si elle est issue d'un milieu moyen ou aisé. Un peu comme nous lorsque nous voulons à tout prix du Japonais... "parce que c'est tellement mieux..." Il y a autant de merde au Japon que chez nous, surtout du faux Japonais fait en Chine, mais qui a la forme d'un Japonais... Les Japonais n'en ont rien à fiche du tradi unilatéral, sauf les chefs (et encore, de moins en moins...) : ils commencent à manger comme nous et n'ont pas envie de s'emmerder la vie avec des couteaux hyper spécialisés et difficiles à utiliser. Le santoku a au Japon énormément de succès auprès d'une clientèle de particuliers.
Pour en revenir à Takeda san, j'ai équipé plusieurs chefs qui avaient pourtant déjà du lourd (genre Shigefusa, Global ou Misono) et qui ne jurent plus que par lui. Un Takeda n'est pas si fragile que ça : ça se tord, ça se redresse, c'est souvent mince comme dit Romain, mais putain, qu'est-ce que ça coupe ! Et c'est un bonheur à affûter. Et si on a peur, on prend sa gamme plus épaisse. Bon OK, faut pas le confier au rémouleur du coin, sinon, c'est la cata : ça s'entretient religieusement dans les alcoves un Takeda, ça se bichonne, ça s'épouse... c'est pour la vie... Comme un couteau de cuisine d'Eric ou de Bryan. Ils ont une âme ses surins (en ao super, même...). Takeda est à la coutellerie ce que Céline est à la littérature (ou Jim Harrison, Kerouac ou bien encore Bukovki, pour ceux que les idées de "Ferdine" dérangent...).
Mais je ne les vends pas aussi bien que ça, sans doute parce qu'il vient à Paris une fois par an, parce que je ne fais pas vraiment de pub et surtout parce que c'est cher, mais bon, je m'en fiche, parce que de temps en temps, j'en retire un du stock et je me le monte au chalet.…
Tiens, pour Nowel, je vais faire une promo sur les Takedouille !
Bon, je ne voulais pas le dire ici, mais vous l'aurez compris, il m'arrive de vendre des couteaux japonais... mais... Chuuuut !