(article original dans ma collection: viewtopic.php?p=282214#p282214 )
Parlons un peu de ce fossile vivant qu’est l’Higonokami.
Ne trouvant rien de complet nulle part, et comme on n'est jamais mieux servi que par soi-même, j’ai fait mes petites recherches. Je vous en livre la synthèse et m’excuse d’être un peu long sur le sujet. Mais bon, l’Higonokami est quand même la base de ma collection et apparemment intéresse beaucoup de gens.
Ce petit couteau qui ne paye pas de mine, a la particularité d’être une des plus vieilles marque déposée toujours en production, d’être quasi inchangé depuis sa création et de compter parmi les moins chers du marché. Ce qui n'est pas rien.
L’higo no kami est né en 1896 au Japon, quand un certain Tasaburo Shigematsu ramena un couteau de la région de Kyushu et suggéra à un certain Tejii Murakami, un artisan habitant à Hirata dans la région de Miki, de le produire en série.
Ce couteau originel, inspiré dit-on par un modèle américain, avait un problème de conception puisque rien n’assurait le blocage de la lame. Ce serait ce Monsieur Murakami qui eut le premier l’idée d’y adjoindre une lentille donnant ainsi au couteau l’aspect qu’il a encore aujourd’hui et assurant ainsi son succès. D’autres sources mentionnent aussi l’intervention d’un deuxième forgeron dans cette naissance, un certain Shigeji Nagao (retenez bien son nom, vous le retrouverez plus bas).
L’histoire de l’Higo No Kami se confond avec l’histoire tourmentée du Japon durant ces deux derniers siècles.
Au milieu du XIXe, l’archipel est obligé de s’ouvrir au monde extérieur sous la pression des canons de la marine américaine du Commodore Perry. Le pays du Soleil Levant passe directement du féodalisme à l’ère Moderne.
En 1877 eut lieu la dernière bataille opposant les Samouraïs en rébellion contre l’armée moderne de l’empereur (cf. le film Le dernier Samouraï).
Suite à leur défaite, ils furent peu à peu privés de leurs privilèges, notamment le droit de porter des sabres. En conséquence, de nombreux forgerons durent trouver d’autres débouchés, se reconvertirent dans la production coutelière et s’établirent dans la région de Miki, lieu de fabrication historique de l’Higo.
Le nom du couteau est lié à ces évènements. « Higo no Kami » veut dire en japonais le « Seigneur de Higo ». Higo est l’ancien nom du Kyushu, la région d’où est venu le couteau originel, mais « Higo no Kami » est aussi un titre nobiliaire important attribué historiquement à des samouraïs puissants. Le Seigneur de Higo à cette époque était Matsudaira Katamori, il fut aussi le dernier et fut à la fois impliqué dans l’épisode Perry et dans les dernières batailles des Samouraïs.
Le dernier Higo No Kami en chair et en os.
En 1899 on assiste à la création à Miki d’une corporation de fabricants de couteaux qui dépose le nom « Higo no Kami » en 1907 comme une marque et dont les membres sont les seuls autorisés à utiliser l'appelation.
L’histoire de L’Higo no Kami se transforme en success story. Il devient le couteau le plus populaire du Japon, celui que tous les écoliers ont dans leur trousse, le couteau utilitaire de tous les jours. On organise même des concours de taillage de crayons, à celui qui sera le plus rapide. Il est très tranchant (lame en sanmai de bonne qualité), facile à aiguiser, pas cher et jusqu’à 50 fabricants le produisait avec les variations de qualité que cela implique.
Le couteau survit au manque de matières premières de la seconde guerre mondiale et à l’occupation américaine qui interdit la fabrication de sabres et oblige de nouveau de nombreux forgerons à changer de métier.
Le coup de grâce survint en 1961 lorsque qu’un illuminé de 17 ans assassina en public le chef du parti socialiste avec un sabre du même type que ceux qui ont été bannis en 1876...
Une vague anti-couteaux sans précédent traversa le pays, l’Higo fut interdit de cartable et l’on adopta des lois restreignant le port des couteaux de poche.
Ce fut un coup dur, l’Higonokami faillit disparaître et s’il survit aujourd’hui c’est grâce aux collectionneurs et aux nostalgiques qui alimentent un peu la flamme. Il a aujourd’hui complètement perdu sa popularité d’antan et est même inconnu de nombreux jeunes japonais.
Alors si Higonokami est une marque déposée et qu’il faut faire partie d’une guilde pour utiliser le nom, quels sont les vrais Higos parmi les nombreux modèles en circulation?
En fait, tristement, il n’y a plus qu’un seul fabricant à représenter la corporation, tous les autres ayant apparemment cessé d’en faire.
Les seuls « vrais » Higonokamis « historiques » sont faciles à reconnaître, ce sont ceux qui sont vendus dans la petite boîte en carton bleu et or.
Ils sont fabriqués par Motosuke Nagao, établi comme il se doit à Miki, descendant de quatre générations de forgerons et dont un des ancêtres fut directement impliqué dans la création du couteau original (voir plus haut).
Aujourd’hui Motosuke Nagao est d’un age avancé. Sa succession n’est pas assurée et la marque risque de disparaître avec lui.
Son modèle de base s’appelle Sada Koma et existe en trois tailles : petit, moyen et large.
C’est l’archétype de l’Higonokami : un manche en laiton plié estampé avec des caractères détaillant le nom du coutelier et l’acier de la lame : un Sanmai dont le tranchant est en Aogami (acier papier bleu), la présence d’un Chikiri (la lentille), l’absence de système (techniquement c’est un piémontais) et le fait que la lame disparaisse entièrement dans le manche lorsque le couteau est plié.
La forme de la lame connaît des variantes, mais la plus répandue est celle avec la pointe dans le prolongement du tranchant, le « tanto inversé ». Il existe aussi des versions du couteau avec une lame brute de forge en Shirogami, un manche en acier ainsi qu’une édition spéciale avec un Sanmai damas.
Comme Motosuke est tout seul à produire tous ces Higonokamis, il a un peu de mal à faire le contrôle qualité de ses produits.
Il est presque impossible d’en trouver un de parfait et il y a toujours un détail qui cloche : imperfections sur la lame, lentille qui ne s’ajuste pas parfaitement au manche, émoutures qui ne sont pas symétriques, marques d’outils , laiton rayé…etc.
La finition laisse à désirer, le dos de la lame paraît être une râpe et c’est plein d’angles aigus désagréables au toucher. Le laiton de mon grand était à peine ébarbé et en plus ils ont oublié de faire le trou de la dragonne…
Comme c’est principalement des outils à la base et qu’ils coûtent trois fois rien (9€) au Japon, c’est à leurs possesseurs de terminer la finition.
Moi, les miens je les passe à la lime aiguille, au papier abrasif, à la laine d’acier et à la pâte à polir pour arrondir tous leurs angles, gommer tous les défauts, afin de les rendre tout lisses et doux au toucher.
Bien briqués, le laiton étincelant de mille feux, ils se métamorphosent, en deviennent presque sophistiqués en prenant un air de couteau précieux. Cette beauté est éphémère, comme les floraisons des cerisiers sur les pentes du Mont Fuji. Après quelques jours, le laiton se ternit et ils redeviennent humbles et modestes.
Et les autres alors ? Ceux qui sont vendus dans une boîte violette et blanche avec le samouraï sur le manche ? Ce ne sont pas des Higonokamis ?
Et bien, officiellement, non, ce ne sont pas des Higo no Kamis. Ils n’ont pas le droit de s’appeler ainsi parce que leur fabricant Miyamoto SEISAKUSHO (qui en fait depuis 1932) a quitté la corporation dans les années 60 pour faire cavalier seul. Il les appelle d’ailleurs « Higonaifu » soit « Higo knife » prononcé à la Japonaise.
Techniquement ils sont en tout point semblables aux « vrais ». Ils sont même bien mieux faits, mieux finis et plus soignés. Les aciers utilisés sont les mêmes ainsi que les matières du manche. Pas besoin de gâcher de l’huile de coude pour les rendre présentables.
Voici un lien direct vers la société qui les fabrique:
http://www.miki-japan.com/namera/miyamo … kusyo.html
Le plus connu est le modèle au manche noir et à la lame brute de forge (l’Higozen) mais il existe également des modèles avec le manche en laiton traditionnel ou en acier chromé.
Des versions plus raffinées avec manche en cuivre et lame en damas forgé par Ikeuchi se rencontrent assez régulièrement sur Ebay
(Voir photo page de ma collection : viewtopic.php?f=7&t=6842&st=0&sk=t&sd=a&start=30 ).
Le guerrier qui brandit un sabre sur le manche est Miyamoto Mushashi, un samouraï ronin légendaire (1584-1645) qui sortit invaincu d’une multitude de duels et inventa une technique de combat à deux sabres. À la fin de sa vie, il se retira dans la région de Higo et écrivit le « traité des cinq roues » ou le « livre des cinq anneaux », un ouvrage de stratégie et de tactique.
Sources :
Wikipédia, Knife world magazine et la compilation de diverses et nombreuses recherches internet.
Merci à la traduction Google J
Edit du 07/05/09: Corrigé une petite erreur sur le fabricant des higonaifus.