par Efix » 29 Déc 2006 19:26
Je ne pense pas que ce soit un marquage fabricant, mais plutôt les initiales du propriétaire. Sinon, tu as deux articles sur l'histoire de la coutellerie nontronaise, dans deux N° de LPDC de l'an dernier.
Tiens, je te mets le texte, c'est long, sans doute faudrait-il le mettre dans les archives.
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NOMS DE NONTRON
Par Bernard Givernaud (Texte et photos)
La coutellerie à Nontron serait-elle aussi ancienne qu’on le prétend ?
Une chose est sûre, c’est qu’elle a été dominée au fil des siècles par quelques familles, véritables dynasties coutelières.
A Nontron, les registres paroissiaux les plus vieux datent de 1595 et le premier Maître coutelier est un parisien.
ORIGINE DE LA COUTELLERIE LEGRAND
Le 13 octobre 1654, Guillaume Legrand, Maître coutelier de la paroisse Saint Eustache de Paris épouse la Nontronnaise Marie Billet et installe son atelier à Nontron. Deux hypothèses s’imposent alors : Legrand a été attiré par la renommée des coutelleries déjà existantes (Pourtant nous n’avons trouvé aucune mention de couteliers dans les registres antérieurs.) Ou bien, il est l’inventeur d’une industrie qui a su se maintenir quatre siècles plus tard. (La qualité de l’acier extrait des forges nontronnaises serait alors l’élément déclencheur de cette activité.) ? Leur fils Jean aura un héritier également prénommé Jean que l’on retrouve en 1713, Maître coutelier à Nontron.
ORIGINE DE LA COUTELLERIE BERNARD
Si l’on s’en tient aux actes notariés de 1928 qui fondent la création de la « Coutellerie Nontronnaise », la coutellerie Bernard aurait été créée en 1790.
Pourtant les registres mentionnent la profession du premier coutelier répondant à ce nom dès 1727. Jean Bernard, semble être le précurseur. Son père Elie Bernard exerce la profession de journalier ou d’artisan et n’est donc pas signalé comme coutelier. Deux de ses fils, François et Antoine, deviendront eux-mêmes couteliers.
Nous avons retrouvé également son surnom, pratique courante pour l’époque touchant les artisans renommés : « Coucaille ».
Jean a un frère de 14 ans son cadet, né en 1716 et prénommé Bertrand. Ces frères tous deux Maîtres Couteliers ont reçu une instruction et savent signer ce qui est peu courant au XVIII° siècle.
Bertrand se trouve être l’ancêtre d’une dynastie de couteliers et à travers son fils Guillaume né en 1754 de la coutellerie Bernard qui appartiendra à la famille jusqu’en 1919.
L’autre fils de Bertrand, Jean surnommé « Contissou » est né en 1742. Il fondera une coutellerie indépendante de celle de son père, la coutellerie Contissou, qui existera jusqu’en 1857. Un document de 1827 émanant de la fonderie des Jomelières atteste que dès cette époque, les couteaux de Nontron étaient en buis et qu’il existait des noisettes renfermant une douzaine de couteaux miniatures et même six douzaines dans la même coquille : tout de même 72 ! Par contre nous ne pouvons dire s’ils étaient déjà pyrogravés.
Cette importante famille règnera en maître sur l’activité jusqu’au début du XIX°siècle, alors qu’émergera en parallèle une autre famille, celle des Petit.
A la fin du XIX° siècle, la famille Bernard semble bien installée dans la petite bourgeoisie commerçante de la ville, ils vivent rue du Petit Puy de Bayet, rue perpendiculaire à la rue Carnot où se tenait la coutellerie Bernard.
Le dernier d’entre eux, Pierre Bernard, travaillera sous le nom de « Bernard Fils » jusqu’en 1887, par la suite il apposera la marque « Bernard » sur ses lames jusqu’en 1910. Sa production n’est alors pas comparable à celle des Petit et sa coutellerie déclinera lentement après guerre.
Grenouillet prendra la succession de son beau-père. Il est référencé coutelier de 1909 à la grande guerre.
En 1919, le coutelier Louis Barry reprend le 17 de la rue Carnot. En 1928, il s’associe à Jean Petit pour créer La Coutellerie Nontronnaise.
ORIGINE DE LA COUTELLERIE PETIT
Dans les actes, la coutellerie Petit est dite avoir été fondée en 1790. Contrairement à la famille Bernard cela semble tout à fait exact. Guillaume Petit, né en 1762 a sans doute été initié par son beau frère Guillaume Bernard. Aucun coutelier du nom de Petit ne figure dans les registres antérieurs. C’est une lignée toute fraîche de couteliers qui émerge, d’abord son fils Léonard qui exercera jusqu’en 1847, puis ses petits enfants Jean et Léonard. Les deux frères se feront remarquer aux Expositions de l’Industrie à Paris en 1849 puis en 1855. Datant de cette dernière exposition, l’actuelle coutellerie possède une noisette non cerclée contenant six petits couteaux pyrogravés.
En 1865, Jean achète le 33 de la rue Carnot où se tiendra désormais la coutellerie. Il est le père d’André Petit ; il meurt prématurément en 1867 à 49 ans et sa femme va continuer son entreprise jusqu’en 1879 sous le nom de « Veuve Petit ».
Parallèlement, Léonard continuera de son côté sous le nom de « Petit » à la mort de son frère. Son neveu, André, né en 1854 qui prendra la succession vers 1880.
D’André Petit, nous avons de nombreux témoignages, c’est la coutellerie de l’industrialisation, de l’électricité et de la « Belle Epoque », du « plus vite, plus haut, plus fort », cher à Pierre de Coubertin. C’ est un homme de son temps, il aime l’exploit. Il décline le couteau de Nontron dans toutes les tailles et toutes les formes, il diversifie sa production, ajoute à sa vitrine des objets parisiens en plus de ses rasoirs, ciseaux et couteaux de table. Il Participe à de nombreuses expositions et il remporte pléthore de médailles. En 1900, à 46 ans il est au sommet de son art et participe à l’exposition Internationale de Paris. Ses miniatures qu’il réalise lui-même émerveillent les parisiens : il parvient à loger 150 couteaux pliants dans un noyau de cerise !
Les médailles pleuvent, en 1911 (20 médailles dont 10 premiers prix).
Avec la guerre de 14, la coutellerie sera appelée à faire des couteaux pour les soldats du front : de grands couteaux à ressorts palmaires, au manche en bois de cervidé ou en bois. Mais cette période marque surtout un déclin de l’activité. André Petit meurt en 1916. Après l’armistice, Jean Petit suit la lignée de son père, travaillant dans la même tradition, on lui doit des couteaux de toutes formes et de toutes tailles.
Mais les lames ne seront bientôt plus forgées sur place. Thiers fournit à meilleur marché et la concurrence est rude.
La qualité reste mais l’approche de la crise économique se fait sentir.
Jean Petit s’associe à louis Barry. Une société à responsabilité limitée voit le jour : la SARL « Coutellerie Nontronnaise », renflouée grâce aux capitaux du banquier Adrien Tarneaud, de l’industriel George Amblard Ladurandie, du pharmacien Henri Goumard, de l’industriel Ernest Eglem et du docteur Armand Lapeyre Mensignac. Mais cette aventure sera de courte durée, Jean Petit meurt en 1931 et la société est rachetée par Alphonse Chaperon la même année. Gérard Chaperon lui succède à son tour en 1943. Pendant plus de quarante ans, il développera cette activité ; il rénovera la boutique de la rue Carnot, il participera à de nombreuses expositions, il agrandira son atelier non loin de Nontron en 1968, mais surtout il ouvrira sa production aux arts de la table.
ORIGINE DE LA COUTELLERIE GAILLARD
Chez les Gaillard, on n’est pas coutelier de père en fils. Jean, le père de Jérôme Gaillard est cabaretier et rien n’aurait pu destiner Jérôme à ouvrir sa coutellerie si sa sœur aînée ne s’était mariée au coutelier Léonard Petit en 1818. Jérôme n’a alors que 10 ans et il fera son apprentissage auprès de son beau-frère. Il se met à son compte en 1845. Pendant deux ans il apposera la marque « Jérôme », puis jusqu’à sa mort en 1868 son nom de famille. Sa femme prend alors le relais sous le nom de Veuve Gaillard après quelques années d’interruption de 1872 à 1875.
LES AUTRES COUTELIERS
Ainsi l’origine de la coutellerie à Nontron reste obscure et dominée par quelques familles.
Nous avons pu relever d’autres noms de couteliers comme Romand Desmoulin, qui apparaît dans les registres en 1749, ou Jean Baille qui y figure la même année ; Jean Barrière qui eut deux enfants en 1775 et 1780 ou d’autres encore, référencés au Calendrier de la Dordogne dont les noms suivent avec la période d’activité : Bardy 1843-1860 ; Laribière 1876-1883 ; Bouchaud et Mériguet 1879-1882 ; Bouchaud 1883-1896.
A mentionner également, les coutelliers du XX° siècle formés par les Petit ou les Bernard comme Louis Barry gérant de la coutellerie Nontronnaise en 1928, Jean Dupret qui travailla à la Rochefoucault ou Henri Chabeaud.
Comment s’y retrouver ?
La rareté des pièces et l’absence d’un musée consacré à l’activité coutelière Nontronnaise et regroupant les plus beaux spécimens ne facilitent pas la tâche du collectionneur …Ce couteau a connu une diffusion plutôt locale et somme toute assez résiduelle compte tenu de sa production à caractère familial.
La marque du fabricant est le premier critère qui vous aidera à situer votre canif, la forme du manche et sa pyrogravure pourront également vous y aider. Mais il est à retenir que les couteliers ont toujours eu des stocks importants de lames et que l’épuisement de ceux-ci est variable selon les besoins et le type de couteau. La rupture de stock d’un type de lame peut donc intervenir bien après la succession du coutelier qui les a frappées. D’autre part, un coutelier peut avoir plusieurs types de marquages indiquant une période relative.
Vous trouverez ci-dessous un tableau présentant les couteliers, un rappel de leur période d’activité ainsi que les marques que l’on peut trouver sur leurs couteaux. Ce tableau n’a rien d’exhaustif.
Autre repère important pour dater votre découverte, sa pyrogravure.
Les Nontrons des années 30 sont rainurés au milieu, comme ceux fabriqués de nos jours mais ils possèdent davantage de mouches. A partir des années 70, ils n’ont plus de rainurages et les pyrogravures de ceux des années 80 semblent plus profondes. Ceux fabriqués actuellement sont en quelque sorte un retour aux couteaux des années 50.
Mais, comme le laissait déjà entendre André Petit : « Autant d’ouvriers, autant de différentes sortes de couteaux … », les couteaux actuels n’échappent pas à cette règle.
Indice suivant : Les viroles et cachets. Habituellement faits de laiton, on trouvera des canifs marqués « CHAPERON NONTRON » et PETIT & Cie en acier, souvent avec un cachet fait de deux épaisseurs. Le cuivre faisant défaut durant la guerre, les viroles furent réalisées en métal extrait de Citroën C4, Alphonse Chaperon étant également concessionnaire Citroën à Nontron.
Nous remercions Mmes Chaperon, Mr Lapouge ainsi que Mr Lemasson pour leur aide et le prêt de documents. Nous sollicitons par ailleurs les collectionneurs qui pourraient nous aider dans nos recherches.
LÉGENDES
1- 3 Doubles viroles N°30 de 13,5 cm, version 2004 et PETIT A NONTRON des années 20 à 30.
On remarquera la couleur du buis qui n’a pratiquement pas foncé en 80 ans, la pyrogravure différente : il y a plus de mouches et les points près de la virole étaient toujours sur les deux premières lignes, enfin, le renflement du manche est plus gracile.
Coutellerie Nontronnaise, 1928- 1931 : PETIT & Cie NONTRON (dans un losange)
Louis Barry , années 30 : BARRY
2 - Trois N°50 de 13,5 cm, on notera l’évolution des motifs pyrogravés, plus nombreux sur le couteau PETIT & Cie des années 30 à 40 (Le propriétaire a rajouté des lignes et son prénom au verso : Pierre. Les 36 traits correspondent aux trois ans de services qu’il a du effectuer). Le second marqué « CHAPERON » NONTRON date des années 50 et celui du dessus date des années 70.
Alphonse Chaperon, 1931-1943 : « CHAPERON » ; « CHAPERON NONTRON »
Gérard Chaperon, 1943-1986 : « CHAPERON NONTRON »
Les Nontrons des années 30 sont rainurés au milieu, comme ceux fabriqués de nos jours mais ils possèdent davantage de mouches. A partir des années 70, ils n’ont plus de rainurages et les pyrogravures de ceux des années 80 semblent plus profondes. Ceux fabriqués actuellement sont en quelque sorte un retour aux couteaux des années 50.
4 - Jambette marquée A. PETIT A NONTRON 7,2 cm, vers 1900.
5 -Rarissime travail de poilu, le manche d’origine refait en bakélite est marquée 1914-1915 dans un cartouche en forme de poisson et à motif en feuilles d’olivier. La lame est marquée A. PETIT A NONTRON. 21,2 cm fermé.
6 - Nontron à double 14 cm virole de Marque BERNARD FILS A NONTRON. On notera la forme adoptée par la coutellerie Bernard et la mouche ronde caractéristique, 1867-1887.
7 -Très grand couteau de marque GAILLARD A NONTRON, on remarquera quatre rangées de stries et une ligne oblique de pointillés sur le sabot.