Pour moi, le couteau de camp doit être un barreau. Je veux dire un gros machin qu'on peut utiliser pour chopper pendant longtemps. Hélas, j'apprécie tellement la serpe italienne (type Bergamo 28cm) que j'ai acheté dans le commerce que c'est elle que je prend dès que je dois sortir. Après avoir bien repris et affiné le tranchant, qui était trop épais, c'est d'une efficacité qui n'est simplement pas égalable, sinon par une meilleure serpe. Cependant, le manche en cuir, à force de boue, de sueur, etc, a fini par devenir complètement lisse, et c'est un peu handicapant pour la coupe car on a pas un excellent contrôle de l'angle.
Autant au niveau performance, les couteaux de camp que je fais ne jouent pas dans la même cour que cet outil testé et développé à partir de l'expérience de terrain de plus d'un millénaire de vie et de travail en plein air, autant j'essaye de faire extrêmement attention à l'ergonomie des "couteaux de camp", et là c'est un domaine où j'arrive assez bien à ce que je cherche.
Voici un petit exemple de mes expériences:
Sur cette photo, aucun des couteaux n'est fini, pas d'inquiétude donc quand à leur aspect un peu brut.
-Celui tout en haut a une bonne lame (55Si7), étonnement polyvalente et efficace pour sa forme qu'on pourrait croire bonne à rien, mais le manche est d'une ergonomie complètement pourrave, obligé de sécuriser par une dragonne en permanence.
-La lame est celle d'un Bowie que je n'ai jamais fini (90MCV8), mais qui serait plus pour faire le cake que pour vraiment servir (je veux dire que si un gars arrive et me dis: "Je veux un gros chopper", je lui ferrais pas ça).
-L'espèce de machin avec des pointes sur le dos de la lame (12C27) est inspiré des fauchons représentés entre les mains des soldats de la Bible de Maciejowsky, que je trouvais amusante. Le manche a une bonne ergonomie, mais qui demande à être plus travaillée. La lame fait 3mm d'épaisseur, mais une émouture un peu à la va-vite (c'était vraiment pour test) en réduit le potentiel. C'est pas vraiment une machette, pas vraiment un couteau de camp, c'est la "machiettowsky".
-Le Nessmuk avec le manche en corne de buffle est en 90MCV8, et son propriétaire, un américain qui travail sur un ranch, en est tout à fait satisfait. C'était un des premiers couteaux "sérieux" que je faisais, et ce serait à recommencer, le bec arrière du manche serait plus prononcé. Mais là on commence déjà à être dans le bon couteau de camp, bien qu'à mon goût encore un peu court.
-Les deux lames découpées laser ne sont là que parce que c'est une vieille photo, que j'avais prise dans le cadre d'un projet qui est aujourd'hui globalement tombé à l'eau. Cependant, le gros couteau de camp/tartineur qui est sur la droite, et qui est fait d'une de ces lames finie 'X46Cr14), s'est révélé relativement efficace. Pour moi encore trop court, mais une bonne polyvalence malgré que j'ai laissé le tranchant un peu trop épais. Seul problème, l'espèce de garde qui a un rayon trop faible, et gêne un peu l'index.
Pour l'instant, le couteau le plus fou que j'ai fait pèse 1.4kg, a une lame de 10mm d'épaisseur à la base, en Calmax, pour une longueur de lame d'environ 32cm. Manche en Amourette pour faire le cake, et manche en micarta (non figuré) pour s'en servir pour de vrai. Hélas, comme le client est roi, je n'ai pas pu faire le manche que j'avais prévu au départ. C'est le premier que je fais comme ça, et il y a dessus des "erreurs" que je ne commettrais plus, par exemple la semelle est en pleine épaisseur, ce qui rende le couteau très lourd pour rien, et transmet les vibrations et chocs de manière désagréable. Voilà le monstre (je suppose que vous vous doutez duquel je parle):
Sauf qu'à la base, mon projet, c'était ça (à la longueur de la lame près):
Le client tenait absolument à avoir un choil sur la lame, ce qui est inutile et irréaliste, à mon sens, vu la taille du machin. L'ergonomie aurait été infiniment meilleure avec un manche en "tête d'oiseau" (par analogie avec les poignées de revolver "bird's head"), un peu comme j'avais dessiné. Evidement, 1cm c'est un peu épais, un peu trop épais, 7mm seraient amplement suffisants si l'on part sur une optique utilitaire. Mais comme là c'est plutôt un couteau de survie pour apocalypse nucléaire, comme disent les ricains: "better safe than sorry". Il est actuellement visible jusqu'à fin Avril au musée de la coutellerie de Thiers, et il sera aussi présent à Coutellia, puisque j'y participe et que le client n'a pas encore payé…
Probablement un des meilleurs couteaux de camp que j'ai fait, bien que là encore un peu trop court à mon goût, et qui n'avait pas la semelle affinée, le couteau suivant, en 90MCV8, 8mm d'épaisseur, côtes en paperstone bordeaux-à-vue-de-nez, et une ergonomie de revolver incroyable, pour une sensation de hachette en chopping. Hélas, je n'ai pas pris de bonnes photos du couteau avant qu'il parte, mais on peut voir celles prises par le client sur le forum de Knifetest:
http://www.knifetest.com/forum/showthread.php?t=2512Un Autre couteau de camp pas trop mal que j'ai fait, bien que le manche soit un peu trop lisse: le Hudson Bay Camp Knife, lame en X50CrMoV15 et manche en paperstone marron, vendu à Cliff Stamp, et qui en a fait une "review" complète
ICI. Pareil, pas de bonne photo à montrer, mais Cliff a fait des vidéos, où on le voit facilement tenir tête à la hachette Fiskars réaffûtée par ses soins (et il est loin d'être un manchot, le bonhomme):
http://www.youtube.com/watch?v=siU-udjKXCgBref, je fais mes petites expériences dans mon coin. Le couteau de camp, c'est un peu ma passion, mais il y a tellement de variables qui entrent en compte, qu'il semble toujours qu'une nouvelle "avancée" fait découvrir aussi une nouvelle erreur. Et en matière de performance et d'ergonomie, je suis un éternel insatisfait: je voudrais faire des couteaux ultra-efficaces, qu'on peut manier des heures, sans effort, ni fatigue. Mais les lois de la physique sont d'intransigeantes maîtresses...