A moi de commencer :
Comme beaucoup d’accros du couteau, mon histoire avec ces objets hautement symboliques commence dans ma petite enfance, là où les souvenirs sentent bon et les images sont floues. Mais contrairement à la majorité (je crois), ce n’est pas par l’exemple de mon père, ou de mes grands-pères, car je ne me souviens pas avoir vu aucun sortir un tel outil de sa poche. Dans les ateliers ou les boîtes à outils, mais pas dans la poche.
Non, l’explication vient peut-être plutôt d’une chose si anodine qu’on pourrait en rire, mais l’enfance est si impressionnable … Je me souviens encore – sans nostalgie, hein, mais avec cette tonalité suave qu’ont les bons souvenirs d’enfance – de certaines pages de PIF GADGET, qui ont marqué toute une génération de futurs adolescents tardifs et trentenaires (auxquels j’ai du mal à m’identifier spontanément, et pourtant …)et bientôt quadra, et là je pense en particulier à RAHAN, bien sûr. En particulier un numéro devenu collector (signe que tout le monde y est sensible) produisant une réplique en bon plastique du fameux COUTEAU DE RAHAN EN IVOIRE QUI SERT AUSSI A DECIDER DU CHEMIN A SUIVRE.
Et voilà le lien : premier outil de l’humanité, en tout cas son avatar pré-moderne, quasi mythologique, symbole du courage, de la force masculine, donc de virilité, la boucle est bouclée.
Bien sûr, l’esprit d’un garçon de 6-7 ans absorbe tout ça par tous les non-dits de la BD, mais ça marche, la preuve …
Après ça, les yeux qui brillent devant les vitrines, un couteau donné par mon père un bel été, un autre acheté avec le rare argent de poche lors d’une excursion en Suisse … ben oui un couteau suisse, à mes yeux alors L’ULTIME couteau (Mc Gyver était passé par là, véritable révélation un dimanche avant Jacques Martin, Incroyable mais Vrai).
Entre parenthèses, le couteau gagne alors une nouvelle valeur avec Mc Gyver : la ruse ou l’intelligence du bon héro pas très musclé (enfin modérément sportif quand même, le genre
mens sane in copore sano) et non plus seulement le premier outil de l’homme-guerrier aux tablettes de chocolat.
Viennent les études supérieures, arides question couteau (pas grand chose, c’est un ou deux Coursolles sujet, deux ou trois Victorinox avec pochette s’il vous plaît, quelques buck pakistanais, quelques Gerber … bref la misère coutelière), le virus est mis en sommeil par les contraintes de la vie étudiante, très touffue en école d’ingénieurs.
Cependant j’ai eu la chance dans cette période de rencontrer un hobbyiste frénétique en stage dans une cimenterie, qui m'a fait voir autre chose que l'industriel aseptisé - je ne sais pas si je dois le remercier
…
Puis … un jour mémorable, au cours duquel je tombe sur une revue de couteaux - j’ignorais même qu’une telle chose puisse exister - et la boucle ne boucle plus, elle s’emballe, elle spirale.
Depuis, mon intérêt pour les couteaux n’a cessé de croître, au point d’en avoir qui débordent des tiroirs. En fait, je me rends compte que chaque achat correspond à une étape de ma vie : événement heureux ou non, difficulté passagère, moment d’euphorie, voyage etc. …
Du coup, comme beaucoup, je me trouve des excuses pour porter les préférés du moment à tour de rôle. En fait, j’en ai souvent plusieurs sur moi, par incapacité de procéder à un choix - mais je me restreins à ne pas dépasser trois couteaux sur moi, limite au-delà de laquelle je me considérerais comme « pas normal » lol. En fait deux poches de pantalon, une de veste, la voilà la limite !
Les occasions qui nécessitent l’usage d’une lame sont innombrables et de manière surprenante inconsciemment éludées par la majorité des gens : ils préfèrent utiliser les ongles, l’ouvre lettres, un stylo, enfin n’importe quoi au détriment de la sécurité plutôt que d’oser penser à un couteau, tant il est inscrit dans l’inconscient collectif que l’usage d’un couteau est obligatoirement lié à la notion de crime et de voyous (merci Charles Bronson).
Je suis toujours intellectuellement satisfait de constater que les gens se retrouvent tout cons quand je sors une lame (genre « ben pourquoi que j’y ai pas pensé ?») et intérieurement rasséné en ce qui concerne ma douce folie présumée.