Ce récit s'appuie sur des faits bien réels, voici mon histoire.
"Comment ne pas forger un sabre"
Vendredi, 12h06.
J'arrivai sur les lieux du drame à venir, moitié fringant et moitié fatigué des préparatifs. Avec l'ami Martin Mougeot-Bohers et sa dulciné, nous vînmes en effet de parcourir la Bretagne en long, en large et en travers à l'aide de notre fidèle destrier nommé Clio III, qui, il faut bien l'avouer, était un peu sur les dents au vu de son chargement.
Première prise de contact avec les indigènes occupant les lieux, visiblement hospitaliers, nous décidâmes de nous mettre à l'oeuvre et batîmes prestement les structures métalliques destinées à nous abriter tant du soleil que de la pluie. Après moultes théories et autant d'essais, nous parvînmes à comprendre la mécanique complexe des structures et de leur code couleur.

Vendredi après-midi
L'arrivée régulière des camarades avec visiblement des destriers tous aussi flingués que le mien dégueulant de forges, d'enclumes, de marteaux et pinces toujours plus tarabiscotées les unes que les autre, un atelier extérieur plutôt bien équipé émergea.
Vendredi début de soirée
La forge à charbon mobile que j'eusse bricolate pendant la semaine fut de bonne utilité et reçu son baptème avec quelques kilos de saucisses, agneau et même une fondue au fromage. Il fallut en effet commencer à éponger les différents breuvages venus de contrées lointaines qui commençait à faire effet.

L'excitation était palpable, la joie de se retrouver était là, l'atmosphère électrique. Sans tarder, nous allumâmes les forges pour commencer à taper.
Je prévis de forger un sabre, à partir d'une barre de 51Crv4. Tout du moins, je prévis surtout d'essayer de forger un sabre, parce que bon, essayer c'est facile, le réussir c'est autre chose. Moi j'avais prévu d'essayer. Pas de dessin en tête, rien de prévu, les maîtres mots furent improvisation et tergiversations.
Pour l'heure il fallu étirer la barre à une dimension plus convenable.
Nico de la Forge de la Rivière a eu la gentillesse de corriger mes défauts de posture à la forge, même si ce n'était pas facile de se concentrer a la fois sur le travail de la lame, la position du corps, le tout à 3gr

Parmi le cercle s'étant formé autour de nous pour profiter de la lumière des forges, un pokemon sauvage de type bénévole, impatient de frapper m'aida à étirer une première fois la chose, ce qui fut apprécié!
Jusque là tout allait bien entre les forges qui tournaient et le jour qui baissait, je décidai donc de mettre le travail de forge de coté pour laisser la place aux damasseurs, et boire quelques godets en discutant avec les copains.



Samedi 6h quelque chose.
Finalement ce ne furent pas quelques godets, et le jour qui se levait me fit penser que j'avais peut-être un peu déconné. La faute à Matthis, aussi drôle qu'interessant, avec qui 5h de discussions passent visiblement en 35min. Nous allames donc nous reposer, et je regagnai mon tarp en titubant quelque peu comme la dernière des merdes.
Samedi, 10h
Moi et les deux derniers neurones atrophiés qui me restait nous reveillâmes avec difficulté. Heureusement, mon entraînement a la survie de plusieurs années me permit de savoir comment réagir face à cette situation.
Ramper jusqu'à ma gourde. Boire un bon litron de flotte pour hydrater ce pauvre corps qu'est le mien, aussi mal en point et desséché que la momie de Ramsès II. Ramper dans l'autre direction: Doliprane.
Me remettant d'aplomb mais sans réussir à être d'équerre avec le sol, les orteils pas loin de saigner à cause de ces Rangers qui ont decidé de devenir inconfortable au seul moment ou je n'avais qu'elles, je me dirigeais donc vers la buvette en boitant avec la prestance d'un zombie pour dénicher le breuvage salvateur: le café.
Samedi, 16h.
Après un détour fait au salon à l'Ouest avec l'ami Martin, je repris mon travail sur le sabre, a moitié étiré, mais moins que ma gueule.
Là, les conditions commencèrent à se dégrader. Les rayons du soleil frappant directement sur l'acier et le foyer des forges, la lecture des températures devint vite problématique. Est-ce que je tape sur une lame à 950°C ou a 600? Pas la moindre idée. Les forges à charbon chauffent 5 projets en même temps, elles se bourrent constamment, mais on essaye d'avancer.
Je profite d'une pause des damasseurs pour squatter la FAG de Plume, ça va plus vite déjà. On va passer à la forge de l'émouture, on essaye d'approximer a quel point il faut courber la lame pour avoir une belle courbe quand elle se redressera pendant l'émouture, ca se fait tant bien que mal avec quelques petites ruptures de courbes qui me donneront du fil à retordre mais bon.



Ici sur la photo avec Nico on voit la lame en train de se redresser au fur et à mesure que je forme l'émouture en partant du talon.
Pour le manche, je n'avais rien imaginé de précis mais si par miracle j'arrivais à sortir un semblant de sabre trempé sur ce WE, je ne voudrais pas m'embêter à faire poignée et pommeau dans la foulée.
Vu que la lame de 70cm était assez pesante (entre 4 et 3mm d'épaisseur), je pars sur un manche à deux mains avec des bords retroussés, dont la masse compensera un peu l'équilibre du bouzin.
Un bec de corbin assez prononcé, esthétiquement c'est pas ouf mais bon, je fonce tête baissée sans savoir où je vais depuis le début, on va continuer comme ça.
Ensuite redressage de la lame et de l'alignement du fil.
Dimanche matin
Après une autre soirée riches en échange mais moins en excès, je me mis à l'étape suivante: continuer l'émouture par abrasion.
Malheureusement le backstand de Plume était tombé en panne du fait d'un problème de variateur, j'ai donc sorti l'outil ultime d'émouturage: la disqueuse.
Voici le résultat, avec à mon avis plus d'irrégularité après la disqueuse qu'après le marteau, et de bonnes rayures résiduelles de grain 18, parfait pour une trempe rigoureuse.







Là le bec de corbin était un peu trop ouvert, j'ai fini par le refermer un peu sur l'enclume, pour avoir un semblant de ligne.
Je me suis attaqué aux normalisations par portion (ce qu'il ne faut pas faire mais bon) dans la fag de Plume, pas pu faire de recuit alors qu'il aurait vraiment fallu, mais vu la taille du bouzin tout devient compliqué pour trouver de quoi faire ses tths.
C'est un acier qui contient un tout petit peu de chrome, censé être trempé à l'huile donc, mais pas de bac de trempe et pas assez d'huile..
Par souci de cohérence avec la rigueur du process jusque là et surtout en imaginant de quoi faire me faire un bac de trempe, j'ai fini par partir sur une trempe à l'eau de l'étang avec de l'argile en suspension dedans, dans un back de trempe fait d'un morceau de bâche de serre que j'avais ramené, rafistolé avec du scotch et calé entre des sacs de charbon.
Bon, ça s'est mal fini au final (quelle surprise!!) voile de la lame mais ça encore ça se rattrape, mais surtout 3 tapures au fil sur une petite portion du talon. Honnêtement c'est pas pire que ce que j'avais imaginé, déjà elle est restée en un seul morceau

Ma chérie m'ayant fait la surprise de me rejoindre le matin fut assez positive: on a gagné un objet de déco pour le salon!
La suite ce fut de bonnes discussions, jusqu'au démontage de tout le bordel le lendemain et rechargement dans les voitures, après un WE ou je me suis vraiment éclaté avec des personnes réellement adorables.
Conclusion de l'expérience:
Forge en plein soleil + températures approximative + excès de lambig + fatigue + émouture à la disqueuse + pas de recuit + trempe à l'eau au lieu de l'huile = ni fait ni à faire

Cela m'a donne envie de mettre les moyens pour le faire correctement l'année prochaine, avec les bacs de cendre pour le recuit, les bacs de trempe et l'huile qui va bien, mais je crois que ça me plaît bien de faire ce genre de lame, je pense prevoir les installations dans mon atelier pour le faire correctement.

Là c'était histoire de m'amuser moi, amuser la galerie aussi, pour moi ça a bien marché, pour les autres je dirais que oui aussi, même si cela a reclamé un peu de temps de bien expliquer aux visiteurs que non, je ne savais pas ce que je faisais, mais que je savais quand même que c'était n'importe quoi

Au final les gens étaient quand même contents de l'avoir en main, je crois

Bref, un très bon WE, merci à vous
