Did a écrit:Madnumforce a écrit:Est-ce que quelqu'un à quelque argument rationnel à opposer à mon affirmation que c'est une géométrie plus polyvalente et plus performante que celle originale du 711?
Pour continuer à se faire des nœuds dans le cerveau :
Le problème n'est pas de proposer une géométrie plus performante et plus polyvalente que celle d'un 711. Heureusement qu'il existe des trucs mieux foutus fonctionnellement et même plus beaux (il n'y a pas que la fonctionnalité : sinon la nature aurait fait les filles également moches). Le problème, pour un industriel, c'est d'avoir une approche de type "Analyse de la valeur" : quel cout mini pour la fonctionnalité maxi au yeux du client?
Les mora c'est produit en très grosse quantité. La moindre simplification de montage ou d'usinage c'est un centime/secondes de gagné par cycle. Sur des centaines de milliers de cycles ça fait la différence.
Ton procédé requière de partir de plus d'acier, donc d'en éliminer plus lors de l’usinage. Cela demande aussi des machines de plus hautes précisions, mieux entretenues...etc. C'est plus long, plus cher, cela use plus les machines, la MO doit être spécialisée...ce sont des arguments bétons pour un industriel.
L'émouture d'un mora part généralement d'une plaque d'acier assez fine que l'on peut facilement estamper à la forme (on voit nettement les marques d'estampage sur les tranches) et on peut faire deux biseaux rapidement...donc en quelques passes d'usinage, sans perte de matière, peu de copeaux, peu de couts logistiques, peu d'usure, des machines simples.
Par la suite on trempe facilement le tout en maitrisant le procédé car les données sont récurrentes (genre trempe à induction, refroidissement à l'air et revenu par chaleur résiduelle). Finalement Mora gagne de l'argent avec un couteau vendu pas cher, pas fabuleusement beau (la beauté est dans l'oeil de l'autre), mais qui fait le taf. Il reste une large place pour la production de qualité supérieure qu'elle soit artisanale ou pas. Tout le monde devrait être content.
Il s'avère, en plus, que pour certaines tâches c'est pas mal du tout. Par exemple ton émouture est très bien pour la viande, mais reste plus facilement bloquée dans du bois (qui frotte sur toute la longueur) encore plus dans le bois "nordique". Une émouture scandi est aussi souvent plus simple à affuter avec des aciers peu carburés (on pose à plat sur la pierre au niveau du biseau et on frotte, ou on soulève un poil pour le tranchant secondaire). Pour éviter d'avoir à retirer trop de matière, il suffit d'avoir un biseau placé assez bas (et pour que ce ne soit pas trop épais on doit se contenter de lames fines, ça tombe bien on ne pourrait pas estamper des épaisses). Pour d'autres tâches, les mora c'est pas terrible. En cuisine par exemple ou pour vider une bête.
Je ne sais pas pourquoi les Mora cristallisent tant les passions. Les Dacia Logan ont leur utilité, fonctionnellement elles rendent services, dans la vie réelle sur les fonctions avouables ni plus ni moins que les Porsche. Mais franchement, je préfère conduire une Porsche, encore plus si je dois faire régulièrement 300km de route de montagne sans radar. C'est juste pas le même prix.
Ca fait un petit moment que je suis à Thiers, que j'y rencontre des gens, des industriels fabricants, des sous-traitants, etc, et je pense pouvoir dire que j'ai une relativement bonne connaissance des processus et des méthodes de fabrication.
Déjà, si on voulait faire un couteau de ce genre, on ferait laminer l'acier en biseau de façon à être très proche du profil final. C'est quelque chose qui se fait très massivement à Thiers, où la grande majorité des couteaux destinés à l'industrie (abbatoirs, boucheries, etc) sont découpés dans du biseau depuis des décennies. Pendant les "Thiers Meeting", au moment de Coutellia, j'ai rencontré le commercial d'Aubert&Duval. Eux acceptent de faire du laminage à partir de 100kg de commande, ou 500€ d'achat, et sans facturer le service. C'est dire comme c'est trivial comme opération! La laminage en biseau demande un matériel plus spécialisé que le laminage plat, mais Bonpertuis est équipé pour faire des largeurs de 12 à 60mm, et des épaisseurs de 1 à 6mm. Les compétences et les équipements existent, l'économie d'échelle fait le reste.
Ensuite, la découpe, que ce soit du 1.5mm ou du 6mm, la seule chose qui change c'est la presse à employer. Un presse, ça dure 50 ans, si la production et la vente suivent derrière, le coût d'achat initial n'est pas un problème, c'est une fraction de centime par pièce produite, puisque ça peut en produire des dizaines de millions. L'outillage a juste besoin d'être un peu plus costaud, mais là aussi, sur la masse produite, c'est un coût dérisoire.
Le traitement thermique sur des couteaux ne se fait JAMAIS par induction. C'est soit par paquets, soit en four tapis. Dans tous les cas, ça ne fait absolument aucune différence qu'on trempe une ébauche plate ou biseautée, du moment que l'acier a convenablement été recuit après laminage.
L'émouture, sur une émouture plate, est moins critique que sur une scandi. Sur les scandi, on est à tranchant, ce qui fait que la moindre irrégularité de pompage du lubrifiant/liquide de refroidissement provoque immédiatement le cramage irrémédiable de l'acier. Même si l'arrosage est absolument obligatoire pour tout type d'émouture, de petites fluctuations de débit ou de mélange sont sans conséquence notable dans le cas d'une émouture plate. Si on travaille sur du biseau laminé à froid, la surface est déjà extrêmement propre, et l'émouture se limite à un écroutage de surface d'un ou deux dixièmes.
Vient ensuite l'affûtage, qui peut être automatisé sans difficulté, comme c'est déjà le cas chez 32Dumas/Rousselon, par exemple.
De toute façon je n'ai même pas à le discuter: puisque se fabriquent déjà à Thiers des couteaux professionnels à moins de 12€ prix de vente public:
http://www.couteauxduchef.com/couteaux-de-boucher-bargoin/4202-couteau-a-desosser-lame-usee-11cm-manche-rouge-bargoin.htmlhttp://www.couteauxduchef.com/couteaux-de-boucher-bargoin/4196-couteau-a-saigner-11cm-manche-noir-bargoin.htmlEt là encore, on ne profite pas de toute l'ampleur que permet l'économie d'échelle: il y a des dizaines de références dans les couteaux pros de ce genre: ça multiplie les approvisionnements (plusieurs largeurs et épaisseurs de barre à commander), ça disperse la production, ça complique la logistique, ça interrompt régulièrement les chaînes pour changer de modèle (c'est long d'installer un outillage), etc... C'est à dire que là c'est 12 balles, ce qui est déjà dérisoire, mais en étant loin d'être au taquet niveau productivité et économie d'échelle. Si un fabricant (français) avait les perspectives commerciales de Mora, c'est à dire la capacité à imposer des couteaux et que les gens les achètent sans se poser de question parce "ça fait le taff et de toute façon c'est pas cher", il pourrait ne produire qu'un ou deux modèles, grâce à cette diffusion colossale et cette absence de diversité avoir des cadences de productions et des économies d'échelles ahurissantes, et ainsi produire au même prix un couteau absolument équivalent, mais en émouture plate.
Il ne faut pas perdre de vue que les coûts de production eux-même représentent moins de 50% du prix de vente. La marge des intermédiaires, les coûts de transports, les taxes jouent au final vachement plus que le choix d'une presse de 80 tonnes plutôt que de 20 tonnes, qui de toute façon va durer des dizaines d'années et produire des millions de couteaux.
QUand à l'argument du frottement dans le bois... tu es sérieux? Tu crois vraiment que d'écarter les fibres du bois avec une émouture à 23° plutôt qu'à 9° cause moins de résistance que le frottement entre de l'acier poli et du bois? Considère la chose seulement deux secondes, et dans le doute, trouves un couteau émouture plate et fait l'essai.