ploumploum-tralala a écrit:bah oui, je trouve la grosse plate semelle dans le manche et la lame qui s'affine un peu bizarre pour un chopper
C'est sûr que la semelle n'a jamais vraiment besoin de garder toute son épaisseur, ce n'est pas une partie travaillante. Mais l'affinage de la semelle est zappé car c'est coûteux à faire industriellement. D'ailleurs, sur un chopper bien conçu, on a aucun besoin de plate semelle, il n'y a qu'à voir la tronche des soies sur les parang traditionnels, qui ne sont même pas traversantes. Par contre, que la lame s'affine est une règle quasiment universelle des choppers faits dans les règles de l'art. Les parangs ont les lames qui s'affinent. Les kukris ont les lames qui s'affinent. Les serpes ont les lames qui s'affinent. Même certaines machettes de bonne qualité ont les lames qui s'affinent un peu. Ca permet de faire des lames plus longues, plus vives, plus efficaces.
Le truc, c'est qu'entre la soie ou la plate semelle et la lame qui s'affinent, la forge est la seule solution. Ca ne posait aucun problème jusque dans les années 30, quand des grandes manufactures style Talabot et autres (tous les pays industrialisés avaient des boîtes de ce genre) employaient des martinaires qui pouvaient étirer et affiner à loisir les lames, les soies et les semelles, la forge étant alors de toute façon le mode de production de base et par défaut, de sorte que même le moindre couteau de cuisine était forgé. Mais petit à petit, ce mode de production a décliné au bénéfice soit de la découpe de tôle, soit de l'estampage industriel (dans des matrices), qui nécessite un gros investissement, et donc des quantités de production élevées, donc peu de diversité de modèles. Puis de toute façon, le monde paysan était en train de disparaître, il n'y avait plus aucune clientèle pour les serpes, et toutes ces boîtes de taillanderie industrielle ont mis la clef sous la porte l'une après l'autre, ne restant que les mastodontes qui ont su s'adapter en ne gardant plus qu'une référence par type d'outil, et en le produisant en masse, vite et mal.
Aujourd'hui, en France, on ne fait plus de serpes de qualité. En Italie par contre, ils en font encore, avec des lames qui s'affinent justement, mais ce mode de production est marginal, et demande un équipement spécialisé (une sorte de laminoire chelou, où il faut passer les lames une par une). Et autant le marché de la paysannerie est mort, autant le bushcraft refait naître un marché qui est en demande de choppers. Ce marché a été occupé par des entreprises qui ne sont pas héritière d'une tradition de taillanderie moribonde et de niche, et qui sont au contraire parties sur la base des couteaux industriels classiques, découpés dans des tôles d'épaisseur homogène (en tout cas en ce qui concerne le mode de production). D'une situation productive donnée est ressortie une nouvelle norme, mais qui est "sous-optimale" en terme d'outil obtenu, puisque du temps où la méthode de production ne contraignait presque pas la forme (du temps où la forge était le mode de production par défaut), à peu près partout dans le monde, et depuis des siècles et des siècles, les choppers ont généralement des lames qui s'affinent.
Et si aujourd'hui Condor ressort la lame qui s'affine, c'est parce qu'eux, en tant que fabricants de machettes, ont une tradition d'affinage de lames (pas sur toutes les machettes, mais certaines). Il leur a probablement fallu du temps pour transporter la méthode à des lames plus courtes et plus épaisses, disons pour se rendre compte que l'investissement était justifié et rentable, mais techniquement c'est un progrès. Les fabricants de serpes italiens pourraient aussi s'y coller, mais il semble qu'ils sont un peu à la ramasse par rapport aux nouvelles tendances et nouveaux marchés, comme beaucoup de thiernois (les vieux milieux industriels qui constatent leur lent déclin avec résignation, et qui finissent par fermer après quelques ultimes hoquets quand l'entreprise familiale ne trouve pas de repreneur compétent).