Couteaudami a écrit:Nico,
Dans ton analyse sur la publicité autour de la trempe à -80,
tu conjectures que ce passage au froid ne sert qu'à la dureté.
Hors, 58 hrc est atteint par le traitement standard, à 20C.
Sur la fiche métallurgique du MA5 que j'ai sous les yeux (il se trouve que j'ai moi-même trempé quelques échantillons à mes heures perdues), deux traitements thermiques sont proposés par l'aciériste (APERAM):
- Chauffe à 1025°c et trempe à 20°c pour une dureté finale de 57-58 HRC après revenu à 180°.
- Chauffe à 1075°c et trempe cryo à -80° pour une dureté finale de 60-61 HRC après revenu à 180°.
En bonus, j'ai moi même testé avec succès la formule médiane, aussi appelée "cryo du pauvre" qui consiste à chauffer à 1050°c et tremper à -20°c (au congélateur) pour atteindre une dureté intermédiaire.
Le choix ou non de la trempe cryo a donc bel et bien un impact sur la dureté de cet alliage, ce qui constitue vraisemblablement pour Florinox une raison valable d'investir dans ce process (en plus de l'argument commercial choc pour le client amateur de buzzwords).
Couteaudami a écrit:Je pense pour ma part que ton analyse se base sur des aciers ayant moins de chrome.
Plus qu'une analyse, c'est un constat (documenté par l'aciériste lui même) qui est scientifiquement expliqué par le fait que, quel que soit l'alliage (et donc sa teneur en chrome), la température de fin de transformation en martensite baisse à mesure que la quantité de carbone dissout dans l'austénite augmente. Or cette quantité de carbone dissout est justement le principal facteur responsable de la dureté finale de l'alliage. Donc si on veut dissoudre plus de carbone pour avoir un acier plus dur (ce qui est possible en augmentant la température d'austénitisation) il faut avoir les moyens de tremper "plus froid" pour faire en sorte que la transformation en martensite soit complète.
L'impact du chrome sur ce phénomène est connu et mesuré: plus un alliage contient de chrome plus sa température de début d'austénitisation augmente et plus celle de fin de transformation en martensite diminue. D'une façon générale, les éléments d'alliage ont ainsi tendance à "écarter" les températures haute et basse du traitement thermique, ce qui rend justement la trempe cryogénique d'autant plus pertinente pour les aciers hautement alliés et donc inox. A contrario, un alliage "pur" de fer/carbone ne bénéficiera que très peu, voir pas, d'une trempe cryogénique car sa transformation complète en martensite est déjà possible à température ambiante (ou au pire, dans la neige "à la Conan"
). Mon analyse aurait donc certainement manqué de pertinence si l'acier avait au contraire contenu *mois* de chrome.
Couteaudami a écrit:À 16% de chrome, celui-ci aura plus tendance à attirer le carbone et l'azote pour faire des carbures et nitrures. Le passage à -80 bloque cette compétition, tout en assurant qu'il n'y a absolument plus d'austénite résiduelle (cette température est proche de celle ambiante).
Ça, c'est un aspect sur lequel je ne suis pas en mesure de débattre. Tout ce que je sais d'après mes sources littéraires, c'est que les carbures/nitrures sont stabilisés dès la formation de la martensite (qui piège le carbone/l'azote et donc empêche ceux-ci d'aller s'allier avec d'autres métaux tel que le chrome). Mais si le temps est un facteur critique documenté dans le processus de formation des carbures (plus la transformation en martensite est rapide, et plus tôt le processus sera interrompu rapidement et donc les carbures/nitrures rares et petits) je ne dispose d'aucun élément me permettant de confirmer ou d'infirmer qu'une différence peut être constatée dans la structure de ces carbures/nitrures entre des trempes à 20° et à -80°.
Tout complément d'information à ce sujet est le bienvenu, car j'apprécie toujours une opportunité d'apprendre de nouvelles choses.
Quoi qu'il en soit, dans l'exemple du MA5, le taux de carbone est tellement faible et l'azote tellement peu enclin à s'allier au chrome que les carbures/nitrures sont rarissimes et la quasi-intégralité du chrome reste dissous dans la solution de fer, y compris après une trempe traditionnelle. On peut le constater dans les quelques micrographes disponibles chez l'aciériste. C'est notamment grâce à cette particularité que le MA5, avec ses 16% de chrome, est plus résistant à la corrosion qu'un M390 qui en contient 20%
Désolé pour le mur de texte, c'est le genre de sujet sur lequel j'ai tendance à m'épancher plus que de raison.