
Je me suis lancé dans ce projet à l'époque de mon inscription ici, jeune et fou. Fasciné comme beaucoup par les lames japonaises, j'ai commandé chez Dick (c'est plus au catalogue) un truc qui paraissait bien sur le papier: une ébauche de lame de tanto en sandwich suminagashi/white paper steel.
J'ai reçu un beau rectangle d'acier noirci par la forge. J'ai pas de photo je vous laisse imaginer. En fait d'ébauche, le côté tranchant et pointe avait été légèrement biseauté… Une rapide inspection montra que la lame (appelons là ainsi) était voilée, légèrement courbée vers la droite. Et, c'est lié, trempée. Ouais d'ailleurs c'est pour ça que je l'avais achetée: déjà trempée. Or le white paper steel trempé dépasse allègrement les 60HRc. Mais vraiment un rectangle, pas d'émouture, une épaisseur au tranchant de plus de 5mm...
J'imagine que dans un atelier traditionnel pourvu de meules à eau géantes ce serait un jeu d'enfant de sortir une émouture là dessus, ou pour un pro du backstand capable de pas faire trop chauffer l'acier. Mais bon, j'avais pas prévu ça. Par acquis de conscience j'ai essayé une lime a métaux dessus, qui s'est littéralement fais scalper toutes ses petites dents. Ensuite j'ai vaillamment sorti une petite lime diamantée, mais j'en aurais eu pour une vie... L'acier trempé c,est dur, mais celui là… Y'avait une partie moins dure côté soie. J'ai donc réussi à découper grossièrement la forme d'une soie en flinguant quelques lames de scie a métaux. Même non trempé c'est très dur ce truc. Encouragé par ce succès j'ai fait péter la ponceuse à bandes. Littéralement. J'ai voulu tenter le coup, j'avais du mal, je maitrisais pas la technique, j'avais peur pour mes doigts et pour la lame, et j'essayais de ne surchauffer aucun des deux, mais c'est la ponceuse qui à rendu l'âme.

Là j'ai jeté l'éponge et la lame dans un coin de l'atelier. une autre ponceuse à fini par arriver, j'ai fait quelques petites lames dessus, j'ai essayé de m'y remettre, mais le coeur n'y était plus. J'ai réussi à dégauchir la lame et à ébaucher l'émouture, mais encore une fois la dureté de l'acier au niveau du tranchant m'a fait baisser les bras. Et puis ensuite j'ai eu d'autres choses à faire, et abandonné l'atelier pendant deux ans. Voilà 6 ans de passés.
J'avoue avoir pensé à la meuleuse d'angle quelques fois.

Avant hier je m'y suis remis, après avoir regardé comme de nombreuses fois le résultat peu probant de mon travail passé et jaugé le très gros (et dur) millimètre de tranchant restant à poncer, j'ai senti que son heure était venue. J'ai rechaussé les lunettes de protection et les bouchons d'oreille, fixé la ponceuse, installé un bac d'eau pour refroidir la lame, et attaqué à la bande de 80. Choix facile, j'ai que ça.

j'y ai passé plusieurs heures sur deux jours, usé quatre bandes, mais ça commençait à se préciser. Entre temps j'ai pris le coup de main, le geste plus sûr, moins de marques dans l'acier, j'ai sorti des biseaux au dos de la lame, rectifié la soie pour faciliter le montage ultérieur, et finalement ce soir j'ai un tranchant prêt à être affuté.




La pointe reste à faire, j'ai laissé un poil d'épaisseur, parce que c'est trop délicat pour la ponceuse.
J'ai attaqué le manche dans un bloc d'ébène qui lui aussi attendait son heure depuis le début. Percé et ajusté grâce à la petite scie.

A suivre, polissage aux pierres japonaises, puis montage. Peut-être?