Did a écrit:AMHA, ces techniques (tranchant rapporté et acier sandwich) trouvent leur origine dans les limites techniques des techniques anciennes.
Pour le tranchant rapporté, il me semble que par le passé l'acier était rare. Dans une loupe de bas fourneaux on récupérait peu de fer aciérée. L'outil de frappe était donc en fer, et on se contentait d'ajouter de l'acier sur le tranchant. Au surplus pour une hache on obtenait quelque chose de composite et qui se comportait bien.
Pour la technique du sandwich, c'était plus adapté à un outil mince. Souder un long tranchant en acier aurait posé des problèmes techniques. De plus, le truc aurait manqué de rigidité. Il était plus logique d'obtenir une mince couche d'acier et de la "renforcer" par un sandwich de fer. En plus, le fer protégeait de l'oxydation et lors de la phase de réalisation comme une partie du carbone de l'acier passait dans le fer, on devait obtenir quelque chose d'intermédiaire.
De ce que j'ai pu comprendre, ce n'est pas un problème de taux de carbone, mais d'impuretés. Avant qu'il n'y ait une étape de fusion totale de l'acier et un passage en phase liquide qui permet aux impuretés minérales plus légères de remonter à la surface comme l'huile de la vinaigrette (sauf que les impuretés minérales sont de densité inférieure à 3, l'acier de densité supérieure à 7), on se retrouvait toujours en fin de réduction avec un pourcentage important de saloperies qui venait faire des petites bulles qui pourissaient gravement le métal, parfois divisant sa résistance théorique par deux ou plus. En anglais: bloom.
Dans cet état là, il est tellement pourri qu'il est pratiquement inutilisable. On est obligé de le corroyer, c'est à dire de le chauffer, plier, forger de nombreuses fois pour essayer, petit à petit, d'exposer ces bulles d'inclusions minérales pour les faire éclater comme des boutons d'acné plein de pus. Mais durant ce processus de chauffes répétées, souvent à température élevée pour accélérer le travail, le carbone était lui aussi crâmé. Résultat: on obtenait un matériau bien plus pur (peu d'inclusions)… mais aussi bien plus pur (très peu de carbone), c'est à dire du fer. En anglais: wrought iron.
Pour en refaire de l'acier, le processus était long et délicat: le fer était étiré en longues barres carrés ou en plaques, scellées dans une boîte remplie de matières carbonées, et mise à cémenter pendant plusieurs heures ou jours. On avait alors de l'acier, mais qui n'était pas tip top, à cause des irrégularités de la chauffe, qui pouvaient causer des dégradations locales de la structure de l'acier, ou des teneurs excessives en carbone, ou au contraire insuffisante. En anglais: blister steel.
Il fallait donc encore souder ensemble les barres/plaques, les reforger/corroyer à nouveau pour homogénéiser l'acier, et alors seulement il était commercialisable comme le vrai bon acier classe dont on fait les bons trucs. En anglais: shear steel. C'est tout ce travail supplémentaire qui rendait l'acier plus cher que le fer, et donc on cherchait logiquement à l'économiser.
En réalité, un instrument coupant ne bénéficie pas vraiment d'être de structure composite, du moins lorsqu'on parle d'aciers non alliés ou très faiblement alliés. Alors oui, effectivement, plus un acier est doux plus il est résilient, mais aussi plus sa limite élastique est basse. Donc il ne va pas casser sous l'effet d'un choc violent, d'accord, mais il va tordre beaucoup plus facilement, et dans l'absolu il casse aussi sous l'effet d'une force bien plus faible. Il ne faut pas confondre résilience, limite élastique, résistance mécanique, et allongement avant rupture. Un acier très doux a une résilience et un allongement avant rupture élevés, mais sa limite élastique et sa résistance mécanique sont beaucoup plus faibles.
Le "sandwichage" a par contre un intérêt réel pour les outils qui subissent une vraie usure, comme les bêches, les houes, les pioches, etc. Mais dans ce type d'outil, il est à remarquer que la mise (la pièce d'acier dur soudée à la forge sur le corps d'acier doux) est alors fine mais longue, comme une feuille. L'idée étant alors que lors de l'utilisation, l'abrasion attaque plus l'acier doux que l'acier dur, ce qui garantit que la feuille d'acier dur dépasse toujours du corps d'acier doux, et comme elle est fine, ça fait que l'outil reste "tranchant" sans qu'on ait besoin de l'affûter, par la seule vertu de l'usure différentielle des deux matériaux. Mais dans le cas d'outils coupant comme les couteaux et les serpes, puisque de toute façon il faut vraiment affûter, que le tranchant soit un mise rapportée ne fait pas grande différence, mais implique d'employer plus de matière pour obtenir une résistance égale.