Efix a écrit:Cela dit, Scagel et Moran étaient des beignets en maths, mais avaient un sens aigu de l'empirisme coutelier : après tout, n'est-ce pas le résultat qui compte.
Je veux dire, sans chercher à polémiquer, que même mises en équations, les géométries des lames de leurs couteaux ne permettent pas à tout le monde de faire des couteaux efficaces. Certains couteliers ont plus de feeling que d'autres et heureusement que la science ne résout pas tous les problèmes, en la matière.
Par contre, pour la qualité des aciers, ok.
Si, la science peut bien sûr permettre de décrire au plus près des couteaux idéals selon l'utilisation, c'est juste que ça implique des moyens intellectuels et techniques que personne n'a voulu ou pu mettre en oeuvre pour l'instant. Là, par exemple, je n'ai parlé que de section idéale, mais une lame est une succession d'une infinité de sections infiniment fines, et modéliser cette succession de sections de la lame comme du manche permet d'établir précisément la répartition des masses, ainsi que le gradient des duretés en fonction des courbes de trempabilité de l'acier, et le mode vibratoire, etc. Les ingénieurs savent faire cela, il faudrait que ça se justifie financièrement, ce qui implique production en grande série. Mais étant donné que les couteaux se vendent tels qu'ils sont, pourquoi chercher plus loin? Au final, c'est ça la raison profonde.
Quand à l'empirisme, bien sûr qu'il permet la réalisation de couteaux sans dire parfaits, mais qui n'en sont vraiment pas loin. C'est l'expérience d'une vie. L'inconvénient c'est que ce n'est pas une connaissance ouverte et facilement transmissible. A part un apprenti qui suivrait un maître depuis longtemps, transmettre ou même simplement discuter d'une savoir empirique est compliqué. Il peut y avoir aussi des difficultés d'adaptation: ce qui est vrai pour des couteaux de camps en acier faiblement allié ne l'est pas forcément pour des couteaux de cuisine en acier inoxydable, par exemple. Mais il est hors de question de remettre en cause les produits de l'expérience, à la condition qu'elle ait été acquise dans de bonnes conditions (capacité de remettre en cause ses connaissances et soi-même, discipline dans la méthodologie, etc).