Contact avec le wootz.….
j'ai découvert le wootz au travers de ma rencontre avec Achim Wirtz qui au jour d'aujourd'hui reste toujours ma meilleure source d'informations sur le sujet
j'ai de mon côté développé diverses expériences sur le sujet. Fais varier les paramètres de production des lingots ( composition, taux de carbone, élements d'alliage, volumétrie )les paramètres du forgeage pour pouvoir maintenant m'affirmer avec des recettes personnelles qui fonctionnent elles aussi plus ou moins bien ( acier de bas fourneau, apport de niobium, wootz inox ,wootz Niolox, wootz classique)
1. Wootz, qu‘est-ce que c‘est?
- un alliage?
=> point de vue ingrédients dans les wootz classiques,
c‘est plutôt un acier a très haute teneur en carbone( de 1.4% à 3.3% selon les sources vérifiées)
mais il y a des wootz qui échappent cette règle. ( voir protowootz utilisé pour en faire certaines armes et armures ( de 0,5 à 1% de C)
- un acier composite?
=> Oui et non.
Ce n‘est pas un acier composite dans le sens propre du terme il n'est donc pas comparable aux damas corroyés
Pas de soudure dans la méthode de production.
Mais toujours un acier avec une structure hétérogène
La structure interne d'un lame en wootz n'est donc pas formée de différentes couches de matière mais est bien cultivée par la succession des cycles de forgeage et des amplitudes thermiques subies par le lingot.
- résultat:
=> le wootz apparait donc comme le résultat d'une méthode de travail particulière appliquée à un acier particulier
2. le Wootz- aspect production
il s‘agit ici d‘une description de la méthode actuelle!!!
C‘est pas seulement un travaille de forge, mais aussi de fonderie.
C'est la raison pour laquelle les balbutiements de la réapparition de ces méthodes ce sont fait par équipe (Pendray/Verhoeven, Roselli/Perttula, Wirtz/Zwissler)
il existe une Grande gamme de matière première qui peut être utilisée pour fabriquer
cet acier. Par exemple:
- fonte Sorel et fer pur( fonte à 4% de C contenant également un peu de V )
- graphite, pré-alliage vanadium et fer pur
- fer bas fourneau et charbon de bois
-etc,…
pour ma part je préfère utiliser pour base un acier au carbone (aux alentours de 1% ) diminuant ainsi la température requise pour une fusion complète et me permettant egalement une plus grande facilité de reproduction de la recette , préferez un acier très pur car les" impuretés" ont un rôle clé dans le processus de formation des motifs et il sera préférable de pouvoir contrôler au mieux ce paramètre ( vous pouvez utiliser une acier type Shirogami2 ou un 1.1545( c105) comme base de travail)
1% de Carbone est bien sur insuffisant pour pouvoir produire du wootz en bonne et due forme mais il faut tenir compte du pourcentage relâché durant la fusion par le creuset en graphite ( jusque 0.5%)donc grâce à un léger ajout de graphite en poudre ou en bâtonnet nous pouvons aisément grimper au taux de carbone désiré qui est pour ma part situé entre 1.8 et 2.3%
Le mélange complet doit consister de fer, carbone et peu de vanadium ou autres éléments qui forment des carbures.à savoir V,Cr,Mo,W,Nb( Cb) etc,…
éléments qui comme précédemment abordé seront plus facilement contrôlable si il s'agit de votre propre apport de matière et non pas d'une quantité supposée de matière présente dans l'acier de base
Pour fondre l’acier, nous utilisons
- des creusets, souvent en graphite ou en argile
- des fours a conduction, a charbon ou a gaz
Au mélange initial nous ajouterons du verre pillé ou d‘autres silices qui, une fois fondu, éviteront l’oxydation de l‘acier,la silice fondue nappant le métal en flottant à sa surface.
L’ensemble de ce mélange est placé dans un creuset recouvert d’un couvercle, puis mis en fusion dans un four fermé à une température pouvant aller jusque 1 550° Celsius ou plus.cette température est relative à la base métallurgique choisie et variera donc en fonction du taux de carbone de cette même base. par exemple la température de fusion de la fonte étant inversement proportionnelle au taux de carbone de notre base, un mélange composé de fonte à 4% et de fer de bas fourneau se liquéfiera à plus basse température qu'n mélange de fer pur et de graphite qui lui nécessitera un température minimale de 1536°c( température de fusion du fer pur contre température de fusion de la fonte allant de 1135 °C à 1350 °C en fonction du pourcentage de carbone et de silicium qu'elle contient.)
Après fusion,
celle-ci durant entre 30 minutes et 2 heures en fonction du four,
la température du four est réduite très lentement,
assurant la solidification de l’acier
au bout de 60 a 180 minutes. ( l'idéal théorique étant un refroidissement de 1 à 10°c/minute)
Une fois le contenu complètement solidifié,
le four est éteint et la température du creuset
peut diminuer pour atteindre la température ambiante.
Après avoir été refroidi, le creuset est sorti du four
et le lingot
soit se détache tout seul du creuset,
soit est extrait du creuset à l’aide d’un marteau (méthode normale).
L’on procède ensuite à l’examen du lingot
pour voir s’il présente des soufflures ou autres défauts.
Remarque : Si vous coupez ce bloc
et lui appliquez du perchlorure de fer,
vous pouvez voir apparaître
une structure dendritique.
Il s’agit de dendrites de fer
qui se sont formées pendant
le lent refroidissement du lingot.
Ces dendrites sont assez grandes pour être observées sans agrandissement.
Après refroidissement, le lingot d’acier est à nouveau chauffé
à 1 120-1 150 °Celsius pendant 30 minutes à 8 heures.
Cette étape s'appelle la Chauffe de diffusion
Ce type de traitement se fait dans un four à gaz ou électrique
offrant une atmosphère oxydante
pour obtenir une couche décarburé et tendre
qui nous permet de forger le bloc sans le casser.
Puis il est refroidi à la température ambiante.
Le bloc d’acier est ensuite chauffé à plusieurs reprises et forgé.
Concrètement, le bloc est chauffé à 900-950°C,
puis refroidi à environ 700 °C.
C’est pendant cette période de refroidissement
que le lingot peut être forgé et mis en forme.
Après refroidissement à 700°C,
le lingot est à nouveau chauffé à 900°C
et ce processus est répété entre 80 et 200 fois.
Le méplat résultant de ce forgeage peut donc être mis en forme selon les caractéristiques propres au futur outil
mais en laissant toujours 0,5 à 1 mm de sur-épaisseur sur toute la surface pour pouvoir supprimer la couche décarburée précédemment citée.
Cette couche doit être enlevée avant le forgeage et le meulage final
du couteau ,de l'outil ou de l’objet.
La trempe n’est ou plutôt n'était pas forcement nécessaire avec le Wootz,
car il s’agit d’un acier dont les concentrations de carbures qui se trouvent dilués dans la masse permettent un tranchant assez redoutable et très tenace.
Néanmoins il reste intéressant de le tremper car la dureté de la matrice d'acier s‘approchera sensiblement de la dureté des phases en carbure. Offrant ainsi un meilleur équilibre résilience-force-capacité de coupe
il faut réaliser que la trempe ne s'applique qu'à la matrice d'acier qui est en fait un acier relativement faible en carbone comparable à de l'acier destiné à la fabrication des ressorts
et qu‘il faut donc tremper a une température pouvant se rapprocher des températures appliquées au traitement thermique de ces même ressorts à savoir entre 820 et 850°c
Après une mise en forme au marteau, un meulage et un polissage relativement avancé
les lames sont révélées soit dans du Nital (3 % d‘acide nitrique dans de l‘alcool), soit dans une solution concentré de perchlorure de fer.
Il existe nombre d'autres solutions de révélation ma je préfère aborder celles qui sont à la portée de tous
La lame est ensuite neutralisée
et nettoyée en la frottant
avec de l’eau et du savon à doigts nus ou à l'aide d'un micromesh extra fin.
Enfin, la lame est recouverte d’huile de camélia ou de balistol pour la protéger de l'oxydation.
Remarque : il est intéressant de constater que la quantité importante de carbures précipités dans la matrice d'acier et visibles à la surface de la lame réduit considérablement la surface d'acier exposée à l'oxydation ce qui permet avec le temps de développer une patine qui rends honneur au motif du wootz et non qui le masque.
3. Aspects métallurgiques
Dans le lingot d‘acier qui se trouve dans le creuset il y a de très faibles quantités d'éléments susceptibles de générer des carbures .
Il en était de même pour les lames d'Asie centrale analysées au cours des dernières années par différents spécialistes
La teneur en éléments d'alliage du produit final
se situe généralement entre 0,003 et 0,1%.
Le refroidissement extrêmement lent
pendant la solidification de l’acier fondu
conduit à la formation
de très grosses dendrites d'austénite.
Pendant le refroidissement et la croissance de ces dendrites,
les impuretés de vanadium,Chrome ou autre sous forme de carbures
vont s’agglomérer
le long du centre des branches primaires et secondaires
des sections inter-dendritiques
puisque le Carbure de Vanadium suivra sa tendance à rester en avant du front de solidification et ce jusqu'au dernier moment dans les phases encore liquides.
Pendant les opérations de chauffage
à la très haute température de 1100 a 1150° C
la structure dendritique sera détruite par diffusion
et les agglomérations/ségrégations
les plus petites du carbure de vanadium
le long des branches secondaires
seront partiellement ou totalement dissoutes
(en fonction de la durée du traitement thermique)
Les agglomérations les plus importantes
le long des branches primaires
des sections inter-dendritiques resteront.
Pendant les phases de chauffe,
( très près des températures austénitiques)
une partie des carbures
va se dissoudre dans „l'acier“durant la chauffe
et vont retourner dans le système cristallin
pendant le refroidissement.
Les agglomérations de carbure de vanadium
qui servent de nucleus-catalytiques
vont lier beaucoup plus de carbures
que le reste de l’acier,
formant ainsi des chaînes, des filets
et a la fin, des couches de carbures de fer.
Après environ 20 chauffes,
apparaissent les premiers résultats visibles
de formation de cette chaîne.
Ces chaînes de carbure
sont les lignes brillantes que nous recherchons
dans les motifs damassés.
Après plus de 50 cycles,
les lignes ou couches apparaissent clairement
et les motifs de la surface
peuvent même être travaillés par meulage
ou fraisage comme on le fait avec les aciers de corroyage.
Offrant ainsi un panel de motif tout à fait comparables aux motifs retrouvés dans les aciers damassés par corroyages ( échelle, rain drop, peau de crapaud, etc,…)
4.Conclusion :
une fois passée la difficulté de compréhension inhérente à la connaissance de ce matériau le wootz offre des capacités techniques extrêmement intéressantes
-sa matrice en acier type ressort offre des capacités de résilience propres à ce type d'acier pour peu que le traitement thermique soit adapté bien sur
-la présence d'importantes concentrations de carbures dans l'acier lui permet d'assurer une tenue de fil remarquable et ce en offrant également la possibilité d'avoir un fil fin ( ces accumulations étant des chaines de petits carbures qui restent friables et donc qui peuvent elles aussi subir proprement le travail d'affilage sans offrir un tranchant grossier comme pourrait l'offrir la macrostructure d'un D2 ou d'un autre acier lédéburique)
-le développement du dessin de cet acier est propre à chaque méthode, à chaque paramètre et donc à chaque forgeron . Je n'ai jusque là jamais pu parvenir à reproduire le même motif que celui d'un autre pratiquant du wootz et je suis sur que personne jusque là n'a pu reproduire le même type de motifs que ceux présents sur mes lames.
- il est également intéressant de remarquer que la nature même du tranchant est contrôlable au même titre que la taille des concentrations de carbure présentes dans ce dernier. De ce fait un wootz tau motif très fin offrira pour sur une coupe plus fine que son homologue au dessin très développé . homologue qui à contrario pourra garantir une tenue de coupe (Kirenaga) plus importante. Il est donc possible d’adapter au mieux la création du réseau interne de carbures à l’utilisation de l’outil. Nous préfèrerons un motif plus développé pour un couteau susceptible d’être exposé à des matières plus abrasives . un motif plus fin trouvera quand à lui sa place en cuisine garantissant uen meilleure répartition des carbures le long du tranchant
-une de grandes forces ou plutôt une des choses extrêmement intrigante avec le wootz est sa capacité à développer une aptitude de coupe que je qualifierai de secondaire .
une fois le fil (partie matrice) émoussé ou ayant perdu les qualités de coupe qu’il avait en quittant la pierre ( Shapton Honing stone 12000 par exemple) les concentrations de carbures présentes dans ce dernier se découvrent tels des résurgences comparables à des micro dents de scie.
si le couteau ou l'outil à perdu son extrême fil ou le plus fin de son tranchant il n'en reste pas moins parfaitement utilisable en coupe tirée. ce fût pour moi l'élément déterminant qui me poussa à utiliser ce matériau pour les skinners et autres couteaux de chasse qui sont souvent amenés à perdre leur fil avant même le début du travail tant les poils de certains gibiers sont gorgés de sable qui ruine le tranchant dans les premières phases de travail sur la dépouille à savoir émasculer si besoin et "ouvrir " la bête.
nous ne parlerons bien sur pas de tenue de fil infinie mais bien de préservation du temps de travail de l'outil
-Et dernièrement le wootz offre surtout la possibilité de s'épanouir dans un travail de recherche et d'échange que je n'aurais pu trouver jusque là.
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