Ninu est on the "rode"… again... Yes he can edit.
Wonder, oui, en effet, c'est de la récupération commerciale, j'en ai eu en main, ce n'est pas très bien fait. Concernant le style Scagel, il faut admettre que mise à part la splendide production de Doug Noren, c'est en France que nous avons les meilleurs dans le genre : Bruno, PH et le Doc (Pascal Mangenot), parmi les actuels.
Père ou pas père d'une certaine coutellerie, ma foi... Je pense que oui, même si lui ne se sentait père de rien ni de personne, mais il a créé un style reconnaissable entre mille, pour ce qui est des couteliers américains. Il n'était certainement pas le premier a utiliser ce style de rondelles de cuir empilées, on en retrouve dans les couteaux de la guerre de Sécession, c'est un style dans la droite ligne des premiers "american primitive knives", dont les fabricants utilisaient tout ce qu'ils avaient sous la main (cuir et bois de cervidés principalement). Disons qu'il a magnifié ce style, se l'est approprié en le rendant unique. On peut certainement dire qu'il y a eu l'avant Scagel et l'après. D'autres vivaient de la coutellerie avant lui, mais il a donné l'envie, à une époque où démarrait la production de masse des 2 côtés de l'Atlantique, à d'autres, de se lancer dans la production artisanale de beaux et bons couteaux. D'autres comme Cooper ou Ruana, puis Randall, lui ont emboité le pas.
Ce en quoi, il a vraiment apporté une réelle dynamique à la coutellerie artisanale moderne, c'est qu'il a recréé le métier de coutelier- artisan, même dans cette Amérique où l'industrialisation battait son plein, y compris dans le domaine de la coutellerie, il a donné l'envie à des gars adroits de leurs mains, de se lancer dans ce métier, en solo, alors que personne ne croyait plus qu'un couteau pouvait être fait de cette manière. Parce que même aux USA, il se trouvait pas mal de chasseurs, de coureurs de bois, prêts à mettre le prix dans un beau et bon couteau, fait par un artisan. Le premier Moran que j'ai acheté, déjà chez un dealer, figurait dans son premier catalogue, à un prix qui semble dérisoire (quelque chose comme 50 dol), mais à une époque (années 50/60) où 50 dol, c'était du fric pour un couteau. Idem pour Scagel.
Il n'y a pas très longtemps que les couteliers (pas tous), vivent de leur art, de leur travail. Quand j'ai commencé à visiter les salons US, la plupart des couteliers étaient à temps partiel et très peu ne vivaient que de la coutellerie. Et il faut connaître le système américain, fait souvent de précarité pour ceux qui n'ont pas de protection sociale, par choix, parce que c'est dans la mentalité. Un coutelier comme Moran, même s'il était une figure, même s'il gagnait bien sa vie, n'avait aucune protection sociale et avait constitué un petit "trésor de guerre", qu'il "cachait" sous son lit. Dans les dernières années de sa vie, il était atteint d'un cancer, il me disait sortir un couteau de sous son lit, de temps en temps, pour payer sa chimio. Scagel a donné l'espoir à pas mal de personnes, l'espoir qu'on pouvait vivre tant bien que mal, en faisant un job honorable. Lui, ne s'est pas enrichi, et peu se sont enrichis, mais pas plus, ni moins que nos couteliers, chez nous. Il ne délivrait pas explicitement de message, mais implicitement, son style de vie en est un : faites le job, faites-le bien, vous ne deviendrez pas riches, mais vous vivrez en hommes libres, et ce sera toujours mieux de vous lever le matin en vous disant, j'ai un couteau à faire qui va me permettre de manger cette semaine et la suivante... Et surtout, ce n'est pas pire que d'aller à la mine voisine, me griller les poumons, pour pas plus de fric à la clé.
C'est pour cette raison que j'aime ces gars, d'ici ou d'ailleurs, ces gars qui ont décidé, un beau matin, de se lancer, plutôt que d'aller pointer à l'usine. Ils ne gagnent pas plus qu'un ouvrier à la chaine, parfois moins, mais ils font ce qu'ils aiment. Et certains s'en sortent mieux que d'autres.
Alors, consciemment ou pas, ils sont tous un peu les fils de Scagel, pas forcément de par le style de couteau qu'il font, mais de par le mode de vie qu'ils ont choisi.
Et quelque part, je les comprends et me sens proche d'eux, par ce que j'ai fait un peu le même choix, en lachant un super job de commercial, qui commençait à me gaver, pour reprendre un canard boiteux, qui boite de moins en moins. Voilà : savoir pour quoi on se lève, le matin... Et surtout, pour qui !
