Cependant 1 heure en moyenne pour faire un couteau est déja énorme. Pour illustrer mon propos sous l'angle du prix de revient : 1 heure de main d'oeuvre d'artisan -qu'il soit plombier, maçon, coutelier, coiffeur... se facture entre 30 et 50 euros HT. A laquelle s'ajoute le prix des materiaux mis en oeuvre -acier, corne- et l'éventuelle sous traitance. On obtient un chiffre qui sera ensuite majoré des coûts de distribution et de la TVA . En moyenne doublé , voire triplé selon les destinations (droits de douane,frais de port, et concurrence locale) . Ce qui amène vite des prix assez haut.
Et comme l'ont fait remarqué Beavertail et freddy 1 l'acheteur cherche d'abord un prix "doux", ou "qui leur convient". Il est donc imperatif pour le fabricant de faire en sorte que les produits sortent à un prix accepté par les clients, et donc que l'on ne passe pas des heures -au sens propre- sur la fabrication. CQFD. Je ne crois pas que la fabrication artisanale soit incompatible avec une organisation et une certaine rigueur dans la gestion du temps et dans le travail lui même.
L'industrialisation conduit à minimiser les temps de main d'oeuvre en supprimant une partie des étapes "inutiles" et difficilement mécanisables. Et pour réduire encore les coûts, soit on externalise cette main d'oeuvre (en Asie pour être clair) , soit on mécanise à l'extrème. Soit on fait les deux à la fois, ce que font à peu près tous les poids lourds de la profession. Mais ce n'est pas propre à la coutellerie. Qu'on le veuille où non, c'est la tendance partout...
on parlais de la difference entre artiste et artisans, on est dans le sujet en fait: ce discours est tout a fait juste, instructif, posé, concis et logique. cependant il induit des choses pour moi qui sont inimaginable, je vais pas du tout ironiser ( y a pas de raison, tu ne fais pas passer tes idées pour des verités toi) mais tenter de proposer une autre vision, non pas contradictoire mais complementaire : il existe une autre demarche qui est de commencer par faire l'objet, et fixer son prix ensuite. bien sur faut pas etre con et au depart, en fonction du moment, des finances et de plein de choses on se fixe une fourchette , un creneau et certaines limites mais, on ne fait pas son objet en fonction de sa possibilité de vente rapide aupres du "grand public", ni de son cout de revient accessible a la MEnagere de -de 50ans. . Et Heureusement parce que sinon personne ne ferait de carving ou de perlage (pas rentable), personne ne ferait de piece unique, tout le monde travaillerait avec des gabarits, toutes les lames brilleraient ( le "grand public n'aime pas les lame qui "rouillent"), on ferait que des couteaux de chasse, des pliants et des couteaux de cuisine... Donc ton explication est totalement juste mais me fait fremir car elle est exactement tout ce que je combat ( dans mon travail s'entend!) et qui pousse pour moi vers une uniformisation , non pas des couteaux mais du monde lui meme..
En revanche ca a le merite de me faire reflechir et j'en ai deduis ca aussi: je pense, toujours pour revenir sur les artistes, un sujet qui me passionne ( parce que ces personnes me passionnent), je pense que la difference fondamentale et leur raison d'etre est qu'ils creent des modes. On peut dire des styles, des mouvances, ce qu'on veut, mais ils les creent, ou les remettent sur les rails. Les gens qui ne connaissent rien a l'art peuvent ironiser dessus, se moquer ou s'en foutre, "mon fils fait pareil", "le ciel c'est pas rouge mais bleu", "ca sert a quoi"… mais l'interet meme de l'art est d' introduire de nouvelles facon de penser une chose existante. ca peut meme etre laid, facile a faire ou completement tordu, mais c'est une approche a laquelle on avait pas encore pensé.. cette approche là elle va servir aux autres, aux artisans, aux induxtriels, a d'autres artistes qui vont s'en resservir et aller ailleurs, ou plus loin.. l'art sert a ca, il est createur car un artiste peut s'affranchir de certaines "obligations " propres aux industriels ou aux artisans. il peut se permettre des choses que les artisans/industriels ne peuvent pas se permettre pour exactement les raisons que tu as développées dans ton post. Si ce style, cette mode, cette mouvance tient, et ne tombe pas dans l'oubli, là les artisans, industriels vont suivre et utiliser la chose, surfer dessus, avec leurs methodes, leur banalisation et leurs cout de rendement à amortir. c'est pour ca qu'il est commun maintenant de voir du brut de forge, des couteaux en acier carbone, des lames d'inspiration japonaises, des couteaux heroic fantasy. c'est commun de voir les styles de jm laroche sur des site de vente par correspondance asiatique, on trouve des couteaux de style trappeur, vieilli et patiné un peu partout, les couteaux en silex commencent a faire leur apparition aussi, la c'est plus dur car il est dur d'industrialiser la fabrication, il n'est plus surrealiste de chasser avec un couteau de PH fait d'une lame brut recouverte de cuivre fondu etc.. La
creation comme je l'entends, ou comme elle m'interesse, n'est jamais l'oeuvre d'un industriel ou d'un artisans ayant des contraintes commerciales. un artisan va plancher sur un design, une forme, un systeme, va limiter son eventuelle creativité par rapport a la MDM50, puis va integrer pour penser etre original, des choses crées par d'autres.
tient un exemple me vient: damas/ivoire.. Personellement pour moi c'est comme vuitton/lacoste. je trouve ca ringuard et commun (c'est mon avis, merci de le respecter). Au debut c'etait original et beau, ou plutot facile a aimer. puis ca a été banalisé par tout le monde et ca devient maintenant le symbole d'un couteau "class", comme le carré hermes ou le sac vuitton. maintenant on dit un "damas/ivoire.. Personellement, je trouve ca super beau le mammouth, mais jamais je ne pourrais utiliser du mammouth avec du damas sur un liner, j'aurais trop l'impression de m'acheter une ferrari rouge parce que j'ai gagné au loto..
Je pense qu' un jour un autre coutelier va amener qq chose d' incongru pour le remplacer, qui , par chance va plaire au plus grand nombre. en tres peu de temps cette chose, parce qu'elle est facile a aimer et qu'elle plait au plus grand nombre, va se retrouver sur les couteaux des artisans, puis plus tard, apres qq etudes de marché, sur ceux des industriels. En fait chacun a besoin de l'autre dans son propre business, mais on est sensible ou touché, plus par certains que par d'autres..
concernant le temps de travail plus spécifiquement, illustrons également: je prends l'exemple de ce que je fais en ce moment: piémontais avec inter en z40 guilloché, platine en z40, lame forgée, trempe sélective , guillochage et bois de cerf patiné "duffort", turquoise naturelle de provenance diverse:
- forge : 30/40mn
- préparation de la lame avant la tremps , dessin, gabarit en bois du manche, -qui sera jeté a la fin-, debut d'emouture, redressage, creation de sa forme, de la lentille et ajustage avec un futur manche, et guillochage: 35/60mn
- normalisation, recuit, trempe, et pendant le revenu, dessin, decoupe (a la disqueuse et scie a la main), percage et symetrie des platines: 1h
- recup de la lame, emoutures, polissage jusqu'à au miroir et vieillissage au perchlo, finition de la lame, réchauffe sélective de la lentille pour l'ajuster au manche, huilage : 45mn à 1.30h. parfois plus en cas de pb d'ajustage.
- découpe de l'inter en acier, éventuellement forgeage si il a un crochet forgé, polissage ajustage et guillochage: 20 à 40 minute rien que pour ca!
-recherche des plaquettes en cerf, collage provisoire, grinding, mise en forme des plaquettes, perçage, début de polissage, rivetage sur les platines: 40mn à 1.30h,
- mise place des differents elements, ajustage du manche et de la lame, rattrapage éventuel de la forme du manche et rivetages:
platines
plaquettes
lame
rivets
rondelles en Téflon
intercalaire: 15min
-le couteau est monté: environ 5 h de travail: c'est pas fini:
patine sur le manche, préparation des jus, séchage, re-jus, re-séchage, polissage final et définitif, huilage: 1h
- choix d'un turquoise, incrustation dans le manche, collage: 30mn
sans compter le temps préliminaire necessaire a la réflexion, avant, et apres pour voir si on a pas raté son coup ( faire un beau couteau c'est facile, faire un couteau typé qui te représentera c'est plus dur, et on rate souvent) le prix des matériaux et le temps pour les dénicher, et bien sur les charges, on en est à une journée de travail.
Pour un cran forcé dans le même style, le temps est a peu pres le même: un peu moins de forge un peu plus sur le ressort/insert. mais idem; pas de gabarit, chaque pièce a son propre dessin qui sera détruit ensuite, donc ajustage permanent ressort/lame.
Et si tes produits se vendent , c'est qu'ils rencontrent un marché et que tu es donc dans le vrai.
Une phrase de chef d'entreprise. ne le prends pas mal, c'est pas du tout arrogant ni ironique ( je me réserve pour ceux qui le cherchent lol), je comprends ce que tu veux dire mais non, c'est pas parce que ca se vend qu'on est dans le vrai, et heureusement pour tous les artistes qui bossent dans leur cave en esperant y arriver!! là je parle pas du tout pour mon cas mais d'une facon generale. un monde qui ne penserait
que comme toi me pousserai au suicide.