C’est presque un petit village de Provence, coincé entre de belles collines de calcaire qui renvoient une lumière blanche et chaude en ce début de printemps, et sa voisine La Ciotat, beaucoup plus aimée par les estivants qui fréquentent assidûment le bord de mer. C’est ici que se tient le deuxième salon coutelier de Ceyreste, au pied des collines ou roulent les cailloux quand on essaie de les gravir.
Par habitude, je fréquente ce genre de manifestations plutôt sur Lyon pour le SCAT ou sur Paris pour le SICAC. Proche Voisin des lieux je suis donc venu cette année avec plaisir écarquiller les yeux sur les reflets de ces belles lames en acier qui réveillent toujours ou encore mon esprit quand je regarde dans leur direction.
Dès que je suis entré dans la salle polyvalente de Ceyreste pour voir cette expo, j’ai vu de belles choses sur toutes les tables. Mais je cherche toujours un sujet qui m’accroche par son côté légèrement imparfait, vintage,un peu traditionnel, mais pas trop, contenant un peu ou beaucoup de la personnalité de son concepteur. Je n’aime pas le côté lisse parfaitement réalisé collant à souhait à l’air du temps avec toutes les dernières innovations techniques et esthétiques. Je sais, ce n’est pas forcément simple et ça l’est encore moins dans ma tête.
Il y a beaucoup de couteliers que je ne connaissais pas, je vois des jeunes et c’est plutôt sympa.
J’avais un peu dans la tête que les prix étaient plutôt en hausse sensible ces derniers temps et là je vois qu’il y en a vraiment pour toutes les bourses. Comme d’habitude, quand j’arrive, la table de Guy Poggetti est pratiquement vide. Je vois sur cette table deux ou trois couteaux, peut-être restants, à la réalisation absolument parfaite, du très haut de gamme.
Mais je cherche quelque chose qui m’accroche d’avantage, je ne cherche pas la perfection poussée à l’extrême, mais je veux plutôt du caractère.
J’ai vu de belles tables et j’ai bien aimé l’exposition d’ Alessandro Simonetti, avec quelques couteaux à cran forcé très légers et bien réalisés. Les autres tables sont très bien également, mais impossible de citer tout le monde car ma mémoire est défaillante et je n’ai pas pris de notes ou de photos. Il est vrai que je n’avais pas d’articles à écrire pour la presse spécialisée.
Après un certain temps à errer entre les tables encore bien garnies à cette heure-ci, je dois me rendre à l’évidence. Je suis assez attiré par une force magnétique, une sorte d’accélération gravitationnelle qui me rapproche plus ou moins consciemment d’une table. Pour le dire simplement, si une pomme tombe sur Terre, c'est qu'il existe une force qui attire la pomme vers la Terre.Je suis la pomme!
Je suis déjà passé deux fois devant la table du jeune coutelier Benjamin VAGH, et mes yeux s’étaient bien attardés dessus. Il y a de bien belles choses, mais surtout, je vois de la personnalité dans toutes ses réalisations. Il y a un bel échantillon de couteaux de cuisine, surtout un Chef de style occidental absolument magnifique avec une ligne de trempe somptueuse.
Mais il faut que je sois fort, mes tiroirs regorgent de couteaux de cuisine.
Un pliant, ça tient quand même moins de place et c’est bien aussi.
Alors, il y a sur cette table vraiment de tout, beaucoup de fixes de terrain utilitaires, des déclinaisons de couteaux d’inspiration Japonaise démontrant l'intérêt du garçon pour l’art coutelier du pays des cerisiers en fleurs pendant les Sakura et surtout quelques pliants qui déclenchent en moi une petite alarme. Le gars est coutelier depuis 2019 seulement. Ça promet.
Ici on est loin de l’acier froid, tout a du caractère et de légers petits “défauts” qui réhaussent le charme. On n’est pas encore au niveau des réalisations parfaites des grands couteliers Français connus qui tutoient le sans faute et la perfection.
Mais quelle gueule! Un pliant dont le manche est en Oranger” Superbe”, un pliant dont le manche est en Cytise, “ très beau” et un autre que mes yeux ont accroché comme le radar du F-22 Raptor avant de fixer son objectif. Mes yeux focalisent rapidement vers lui, pourtant je n’ai pas encore chaussé mes lunettes.
D’abord la lame, là, pas de compromis, on sent que le bonhomme maîtrise cet aspect sans problème. Je vois une belle ligne de trempe, très prononcée, je vérifie, plusieurs fois, l’émouture qui me semble plus que bien et le tranchant est très mordant. C’est un cran forcé, le ressort est bien dur et la lame ouverte est bien fixée dans sa position. Ca respire la confiance, aucun doute c’est un bon couteau. Acier C130.
Il est tout à fait dans le style qui m’accroche. Bien en main, son manche me convient très bien, même si c’est là que je vois quelques petits défauts d’ajustement ou plutôt quelques défauts du bois qui est stabilisé mais certainement pas parfaitement. Paradoxalement, c’est ce qui m’attire. J’aime beaucoup ces bois torturés et ces petits défauts de la matière.
De quel bois s’agit-il ? Après quelques moments d’hésitation, le garçon ne peut me dire l’origine exacte du bois. Peu m’importe en fait, puisque c’est le visuel que j’aime et qu’il me semble bien solide.
Donc, de belles plaquettes et des platines en acier inox qui rigidifient très bien le couteau.
Je le tourne plusieurs fois dans mes mains, il y reste collé. Je n’avais pas vraiment décidé d’acheter quelque chose mais voilà. C’est ma faute!
Comme souvent, il ne tenait qu’à moi de ne pas m’approcher de ce lieu ou je perds souvent une grande partie de ma volonté.
Tous les couteaux présents sur cette table possèdent de belles lignes de trempe, si bien qu’on pourrait appeler le garçon Mister Hamon.Il est vrai que c’est du plus bel effet. En fait, toute sa production respire la solidité et la qualité.
Un coutelier à suivre vraiment, qui à n’en pas douter fera parler de lui rapidement.
Si vous voulez profiter de prix abordables, c’est le moment.
J'adore parler de rien. C'est le seul domaine ou j'ai quelques vagues connaissances. ( W. Churchill)