par Madnumforce » 02 Mai 2016 15:35
Franchement, la controverse arme vs. outil, ou arme par destination vs. arme par nature est uniquement une préoccupation de législateur et d'homme de loi, et la distinction est tout à fait artificielle et moderne. Il n'y a qu'à voir: dans les pays germaniques, au XVe et XVIe siècle, le port d'arme s'est généralisé, parce que les armes adoptées, étant à plate semelle, étaient considérées, dans la typologie de l'époque, comme des couteaux. Des couteaux avec des lames de 80cm de long et une garde. Mais le port de l'épée était interdit, sinon aux nobles. Et un couteau à saigner, utilisé dans la mise à mort des cochons, des poulets, des chevaux, des bovins, etc, est cependant considéré comme un outil (de boucherie/abattoir), alors qu'on tue bien plus d'animaux pour la consommation humaine que ne meurent d'humains par an, toutes causes confondues. Qu'on le retourne contre une homme, et un outil designé pour tuer mais auquel on ne reconnait pas le statut d'arme par nature devient une arme par destination. Et une dague à servir, ou dague de chasse, est-ce une arme par nature, ou seulement par destination lorsqu'elle est retournée contre un homme? On considère bien qu'un fusil de chasse est une arme par nature, alors où est la fontière entre l'acte de tuer dans le contexte réputé anodin de l'abattoir, et le même acte dans le contexte réputé signifiant de la chasse? Tout celà montre bien que cette distinction est sans critère et sans substance.
Par ailleurs, les sabres et les épées ne sont pas tant conçus pour garantir le décès de l'adversaire du porteur que pour garantir la survie du porteur. C'est pour ça que tous les peuples, partout dans le monde, ont cherché à rendre leurs armes aussi légères que possible à pouvoir vulnérant égal, car cette légèreté est avantageuse essentiellement pour parer, c'est à dire se protéger. Idem de la garde: l'escrime médiévale a bien su en faire un usage offensif (Mordschalg), mais la justification de son existence est la protection de la main du porteur. En Occident, dès qu'on a commencé à dépasser le stade de la croisière simple, dès le XVIe siècle, protéger la main de l'utilisateur est devenu une nécessité fonctionnelle incontournable, avec des "sommets" dans ce domaine comme les basket hilts écossais ou les schiavona. Cette évolution technique montre qu'il y a dans une arme une approche technique et tactique infiniment plus fine que la distinction infructueuse [arme par nature/arme par destination] ne saurait même effleurer.
Dans les îles, "sabre à canne", voire "sabre" tout court est une appelation courante pour les machettes, qu'elles soient ou non spécifiquement designées pour la récolte de la canne sucrière. Là aussi, ça montre bien la perméabilité de la frontière entre arme et outil, surtout quand on commence à arriver dans un certain type d'utilisation. Quantité d'armes d'hast médiévales ne sont jamais que des outils agricoles forgés avec un peu plus de soin, et allégés pour les rendre plus conformes aux nécessité du combat, et qui ont évolué au cours des décennies et des siècles. De nous jours encore, des maisons d'enchères prestigieuses sont capables de vendre de banales coupe-marc comme des hallebardes médiévales, ou des haches de compagnon pour des haches d'arme. Le bâton de marche du voyageur est ferré tout autant pour résister aux rigueurs du chemin, à la caillasse et à l'humidité qui gonfle et fend le fût, que pour blesser plus efficacement le brigand et lui faire passer le goût de la rapine, sinon la possibilité physique. Cold Steel fabrique et commercialise des battes en polypropylène qui semblent bien impropres à pratiquer le sport qui a fait naître cette forme. Certains verront dans un Mora un poignard, et donc une arme. Même un Opinel peut être suspect.