J'ai de gros doutes sur ta théorie des rainures pour rendre la lame plus flexible. En effet, pour rendre un plat plus flexible quand on ne peut/veut pas l'affiner en épaisseur, le moyen le plus simple et de le réduire en largeur. Au lieu de rajouter un rang dans la production pour meuler ces trois gorges d'un millimètre de large, il suffit de découper de base la lame 3mm moins large, et physiquement l'effet est rigoureusement le même, mais au niveau de la production c'est une étape en moins. Je pense qu'au contraire, jadis, ces rainures étaient à l'origine laminées ou estampées, et devaient écrouir la tôle pour la rigidifier sans augmenter le poids. L'aspect est ensuite resté par tradition, mais réalisé par meulage (en tout état de cause l'effet de l'écrouissage ne devait pas être ahurissant). Il se peut que ça n'ait aussi eu aucune justification physique, seulement un signe de reconnaissance propre à une marque, qui s'est ensuite généralisé.
On ne peut pas comprendre les machettes si on ne le met pas directement en rapport avec leur contexte de production et de commercialisation. La machette, c'est l'outil coupant long le moins cher à produire industriellement qui soit. Une tôle emboutie fine (donc pas besoin de presses puissantes), une trempe ressort, deux plaquettes en bois de cagette rivetées mâle-femelle, un biseau d'affûtage, et hop, ça roule, qu'on t'envoie ça par caisse de 1.000 dans les colonnies et les îles. D'ailleurs sur Alibaba, l'unité de vente des machettes par les producteurs chinois, c'est dans les 1.000-5.000, à un prix inférieur souvent à 1$ pièce, avec des capacités de production données pour environ 50.000 par jour. La rationalisation de la production, dans ce genre de cas, prime souvent sur des éléments subtils de design. Le distal taper (que je suppose réalisé en rectification plane) est typiquement un détail qui peut être supprimé sur une machette, quasiment sans aucun impact sur le produit en terme de fonction, mais avec une économie majeure à la production.
L'effet inertiel, comme tu dis, est obtenu sur les machettes non pas par les jeux d'épaisseurs, qui sont quasiment absent même quand il y a du distal taper, mais par la forme en elle-même. Ca s'illustre typiquement sur les machettes à canne à sucre qui ont des têtes de pelles à enfourner les pizzas. Un poil de distal taper n'empeche absolument en rien de supprimer ou de rajouter des millimètres en largeur ici ou là pour garder une répartition de masse identique. Par contre, industriellement, c'est plus complexe que de simplement découper une tôle.
Condor, c'est pas pareil. C'est de bons fabricants de machettes avec une expertise certaine dans leur coeur de métier qui se sont mis à faire des couteaux hypes pour "Blancs". Commercialement, ils ont bien raison. Mais la clientèle étant quasiment sans culture pratique ni technique, ils peuvent faire un peu ce qu'ils veulent. Ils arrivent à vendre leurs cochonneries à 50-80 balles alors que les bonnes serpes italiennes à 35€ sont boudées et ignorées, ou transformées en bowies. Encore que mon collègue de Baryonyx knives semble faire un tabac en revente de serpes italiennes aux US.
Si les fabricants de serpes italiens se mettaient à faire du couteau d'outdoor/bushcraft/survie, là on pourrait commencer à voir apparaitre des trucs intéressants, notament s'ils se mettaient à faire des manches plus ergonomiques (parce qu'à ce niveau là on a fait des progrès sur le design, nos manches droits et ronds traditionnels étant inférieurs, par exemple, aux manches courbés et plus ou moins évasés qu'on trouve traditionnellement sur les choppers asiatiques comme les goloks, parangs et kukris, les caulked handle des serpes anglaises, qu'on trouve aussi en Belgique et aux Pays-Bas, se rapprochant cependant beaucoup des manches des natas).
Je pense qu'il est difficile, ou alors très coûteux, de se procurer un vrai barong en France, et ce sont des outils plutôt assez mal documentés. Par contre, les kukris sont devenus extrêmement populaires et donc bien documentés, et ils partagent avec le barong la double vocation à la fois agraire et militaire. Notament, ils ont une pointe utilisable en estoc. Et bien malgré le très fort distal taper qu'il y a sur les kukris, personne n'aurait l'idée de contester leur grande efficacité en chopping. C'est en partie du à la forme typique de la lame, mais je pense qu'on observe la même chose sur les vrais barong: du distal taper, et cependant une bonne capacité de coupe. Seulement le sweet spot doit être au niveau du ventre de la lame. Enfin, les kukris, c'est quand même assez spécifique je dois reconnaître. Y'en a d'anciens avec double pan creux et gouttière, des trucs qu'on ne trouve habituellement que sur les sabres de cavalerie de ligne, dans le but d'assurer une ridgidité maximale. Et puis ça descend en droite ligne des falcata/kopis, qui sont des armes de guerres. Les lames courbées en avant ont clairement été à la mode à un certain moment dans une région assez étendue (khopesh égyptien, falcata ibère, kopis grec, falx dace et thrace, etc)
Tiens, et puis encore pour le fun:


Le fauchon dit de Cluny. Entre les deux photos, la lame semble avoir une forme différente, mais c'est parce qu'elle est fortement tordue, et selon l'angle sous laquelle on la prend, le dos et le tranchant droits semblent être courbés.

Le fauchon dit de Conyers.
Oui, dans le concept ce sont des machettes latines montées à soie avec garde et pommeau, avec du distal taper, une goutière, et du coup la lame plus étroite à la base pour garder à peu près la même répartition de masse.