Je vais apporter mon point de vue d'amateur et de collectionneur. Je n'ai aucune expérience professionnelle de la coutellerie. Quoique le fait d'avoir travailler pour un industriel de l'armurerie m'a permis, dans ce milieu là, d'établir également un distinction entre industriel et artisan qui à mon sens est valable ici.
Plusieurs points me semblent démarquer les 2 mondes :
- l'industriel et l'artisan partagent des bases de savoir faire technique communes. Mais la philosophie est différente : l'industriel vise la rationalisation à tout point de vue. Tout est raisonné en matière de coût de production, depuis l'achat des matières premières, la réalisation du design, naturellement la fabrication, et jusqu'à la distribution.
- de fait l'industriel travaille sur de grandes séries produites sur une courte durée
- en découle un manque de flexibilité et un manque d'adaptabilité à la demande unitaire. Il faut rentabiliser les machines par du volume.
- l'industriel maîtrise un savoir faire généralement mécanisé et n'a plus besoin ni de savoir forger, ni de savoir river, polir, … à la main. Les machines à commandes numériques vont plus vites, commettent très peut d'erreur et surtout sont capables de sortir 10 000 pièces totalement identiques, ce que la main humaine peine à faire.
- de l'autre côté l'artisan : détenteur d'un savoir faire souvent manuel. Il maîtrise le geste plus que la gestion (cela dit sans négativisme quant aux capaticité comptable de la personne, je parle de gestion au sens rationalisation systématique).
- l'artisan est généralement générateur, détenteur et exploitant de sa créativité (design, mécanismes, …)
- l'artisan produit des séries courtes, voir uniquement des unités. De fait il s'adapte à la demande unitaire du client
- le produit issu de la main de l'artisan porte à mon sens l'âme de son créateur. La matière conserve la trace de l'implication de ce créateur. Ce qu'aucune machine ne pourra laisser à l'objet. Cette âme cela peut-être ce que d'aucun pourrait appeler des défauts (assymétrie légère de l'émouture, léger rippage de la lime, … ou inversement ce que les MOF, par exemple, possèdent et impriment dans l'objet : la précision du geste, l'exacte rencontre de l'esthétique et de la technique, …)
Je pense que le monde de la coutellerie artisanale et celui de la coutellerie industriel ne sont pas véritablement comparables. Ils peuvent être profitables l'un à l'autre mais ne sont pas détenteur du même savoir.
Il en résulte deux approches différentes pour le client : celui qui recherche un objet efficace, bien monté (je ne parle pas ici des productions sub-merdiques que l'on trouve parfois), présentant un bon rapport qualité prix, se tournera vers de l'industriel.
Celui qui recherche un bel objet, porteur d'une âme (souvent très bien véhiculée lors de l'achat par l'échange entre l'artisan et le client) se tournera vers une pièce artisanale. Il paye alors un prix proportionnellement supérieur qui prend en compte les réalités économiques des charges de notre pays, mais aussi le fait qu'une lame forgée c'est plusieurs heures de travail. Rapporté au tarif horraire d'un avocat, le coutelier fait souvent miséreux !
Finalement celui qui veut une pièce sur mesure ne pourra se tourner que vers l'artisan.
Pour répondre à ta question du passage d'un monde à l'autre, de la frontière entre les 2, il faut s'attarder à ce que la plupart des couteliers artisans qui souhaitent vivre de leur métier, mais sans prétendre à des réalisations top de gamme (Bénica, RB, Graveline, …) sont obligé de faire : passer passer par de la découpe industrielle des fournitures. Tout le savoir faire sera alors dans la capacité à trnaformer ces pièces détachées "photocopiées" en couteaux unitaires. Nous ne somes pas là dans de l'industrialisation mais dans la première étape d'une rationalisation économique. Le passage à l'industrie c'est l'acquisition des machines de découpe ou la mise en place de chaine de montage de couteaux identique en très grandes séries.
Désolé pour ces paragraphes limite philo mais les questions posées le sont déjà pour partie
Pour finir, le meilleur moyen de comprendre la différence entre les 2 mondes, c'est de parler à un artisan de son produit et à un PDG du sien

Les différences sont alors évidents.