Grace Horne :
"Beaucoup de gens font des couteaux en amateur ou à mi-temps et je crois que c’est une chose positive. Il existe une hiérarchie dont on ne parle jamais, qui voudrait qu’on place l’amateur à un bout et à l’autre extrême le professionnel à plein temps. Moi je voudrais mettre en avant les valeurs de l’amateurisme. Bien souvent nous apprenons notre art pour le plaisir, améliorant nos techniques et nos tours de mains pendant nos temps libres, tout en continuant à faire autre chose pour gagner notre vie.
Alors que nous progressons et devenons meilleurs, les gens autour vont invariablement nous dire que nous devrions ou nous pourrions être professionnels. Que nous sommes « suffisamment » bons pour cela. Comme si le niveau de notre talent devait être validé par notre capacité à gérer un commerce. J’ai le plus grand respect pour ceux qui gèrent une entreprise d’artisanat mais je voudrais promouvoir le travail du merveilleux amateur, poussé par la curiosité et la joie de faire quelque chose plutôt que par l’envie de faire un objet qu’on pense qu’un client va peut-être vouloir acheter.
L’innovation et l’expérimentation dans un artisanat donné sont souvent le fait de gens qui financent eux-mêmes leur art par un autre biais et, dans la coutellerie, il me semble que les amateurs amènent plus d’innovations que dans les autres artisanats.
Je parle de l’amateur au sens noble et je dis ça surtout pour combattre le préjugé d’une hiérarchie qui veut que notre talent soit validé par le fait d’être pro. Cela n’a rien à voir avec l’approche d’un client ou la communication mais avec notre motivation de faire des choses et de ce qui nous pousse à créer.
Dans tous les arts il y a de la tension entre ceux qui font ça pour gagner leur vie et les autres. En partie à cause d’amateurs qui vendent leurs créations à des prix irréalistes et déprécient le travail des pros. Je ne connais pas la réponse et je suis aussi coupable que les autres. L’année dernière j’ai décidé qu’un de mes couteaux devait être muni d’une dentelle en fil d’or de22ct. Si j’avais dû évaluer de manière pragmatique le temps qu’il m’a fallu pour apprendre à faire la dentelle de métal, le prix des fils d’argent pour les tests et puis le coût du fil d’or et le temps pour faire la pièce finale, cela aurait été impossible à justifier... "
Je suis plutôt d'accord avec elle. Je crois que l'amateurisme a été et est toujours un grand moteur dans l'essor de la coutellerie moderne avec des gens issus de disciplines très diverses, qui amènent de nouvelles approches et techniques et font des choses qui autrement ne se ferait simplement pas.
Mais je déteste le mot "hobbyiste", un terme ringard inventé par les pros pour nous ridiculiser

