un couteau dans la poche
Pas un couteau de cuisine, evidemment, ni un couteau de voyou à cran d' arrêt.
Mais pas non plus un canif.
Disons, un opinel n° 6, ou un laguiole.
Un couteau qui aurait pu être celui d' un hypothetique et parfait grand-père.
Un couteau qui aurait glissé dans un pantalon de velour chocolat à larges côtes.
Un couteau qu' il aurait tiré de sa poche à l' heure du déjeuner, piquant des tranches de saucisson avec la pointe, pelant sa pomme lentement, le poing replié à même la lame.
Un couteau qu' il aurait refermé d' un geste ample et ceremonieux, après le café bu dans un verre et celà aurait signifié pour chacun qu' il fallait reprendre le travail.
Un couteau que l' on aurait trouvé merveilleux si l' on était enfant : un couteau pour l' arc et les flèches, pour façonner l' épée de bois, la garde sculptée dans l' ecorce.
Le couteau que vos parents trouvaient trop dangereux quand vous etiez enfant.
Mais un couteau pourquoi ? Car l' on n' est plus au temps de ce grand père, et l' on n' est plus enfant.Un couteau virtuel , alors et cet alibi dérisoire :
Mais si ça peut servir à plein de choses, en promenade, en pique-nique, même pour bricoler quand on n' a pas d' outil...
ça ne servira pas, on le sent bien. Le plaisir n'est pas là.
Plaisir absolu d' égoïsme : une belle chose inutile de bois chaud ou bien de nacre lisse, avec le signe cabalistique sur la lame qui fait les vrais initiés : une main couronnée, un rossignol, l' abeille sur le manche.
Ah oui, le snobisme est savoureux quand il s' attache à ce symbole de vie simple. A l' epoque du fax, c'est le luxe rustique.
Un objet tout à fait à soi, qui gonfle inutilement la poche, et que l' on sort de temps en temps, jamais pour s' en servir mais pour le toucher, le regarder, pour la satisfaction benoite de l' ouvrir et de le refermer.
Dans ce present gratuit le passé dort.
Quelques secondes on se sent à la fois le grand-père bucolique à moustaches blanches et l' enfant près de l' eau dans l' odeur du sureau.
Le temps d' ouvrir et refermer la lame, on n'est plus entre deux ages, mais à la fois deux ages...c'est ça, le secret du couteau.
voilà, ça m' a amusé en le lisant et j' ai voulu vous le faire partager...je dirais pas que je m' y reconnais totalement mais c'est assez rare de retrouver un auteur qui tente de decrire et decrypter l' interet pour les couteaux qu' on nourrit tous
