bpc a écrit:Madnumforce a écrit:J'avais vu une vidéo de l'émouture avec leurs machines oscillantes, ça m'a intrigué et j'en ai parlé à mon émouleur (lui-même fils d'émouleur). Ca l'a fait marrer parce que c'était la technologie d'avant encore ce qui est déjà aujourd'hui la génération précédente de machines à émoudre, c'était lié à la puissance limitée des bécanes et surtout aux limites technologiques des meules synthétiques de l'époque (magnésie qu'il me disait je crois), qui apparement chauffaient beaucoup, et l'oscillation permettait de décoller un peu la lame de la meule et surtout de faire passer le liquide de refroidissement (essentiellement de l'eau additionnée d'antirouille), sans quoi les lames auraient surchauffé.
Ce qu'il décrit sont juste des effets induits.
Les clients étant habitués a de bonnes émoutures manuelles, on ne pouvait pas d'un seul coup passer à du plat avec un biseau.
L'écart de qualité eu était trop grand et les clients n'auraient pas suivis.
Donc, il y a eu une période ou soit on faisait une émouture plate, finie à la main par des professionnels, soit une émouture avec trembleurs, seule solution en l'absence d'émouleurs.
Puis, quand il n'y a plus eu que du plat et biseau, ce sont les détaillants qui remettaient à la coupe les couteaux avant que les clients partent avec, ce que j'ai connu adolescent.
Maintenant, que les couteaux sont vendus par des revendeurs qui ne sont plus vraiment des couteliers et que les clients ont oubliés ce que c'était la qualité, ils restent avec leur plat et biseaux.
Le biseau, c'est le biseau. C'est pas censé être le remplacement en droite ligne des nogents, plutôt une alternative moins chère. Les nogents ont été remplacés par les idéals/sabatiers, qui existent en tout forgé depuis le début (même s'il y a les variantes à mitre alu). C'est d'ailleurs frappant comme l'un a succédé à l'autre, pratiquement sans période de recouvrement entre les deux types, même si j'ai du mal à dire quand exactement s'est fait ce pivot. Il n'y avait aucune difficulté particulière, à ma connaissance, à faire des matrices qui produiraient des ébauches imitant toutes les subtiles variations d'épaisseur qu'on pouvait trouver sur les couteaux forgés manuellement, c'était vraiment les machines à émoudre qui étaient le facteur limitant. Déjà les vieilles bécanes à commande hydraulique ne sont pas d'une grande finesse, elles ont probablement été précédées par des versions entièrement mécaniques qui devaient être assez frustes. Après, je n'exclu pas qu'à moyens limitées, elles puissent avoir été conçues principalement pour émoudre du biseau, qui, étant moins cher, devait représenter un bien plus grand volume de production.
Par contre, quand mon émouleur me dit que les trembleurs étaient rendu nécessaire par la nature des meules de l'époque, c'est absolument lui que le crois. Surtout que les couteaux anciens ne sont pas particulièrement convexes, et la logique industrielle pousse à éliminer en priorité ce genre de détail qui par contre complique significativement les machines et leur réglage. S'ils avaient pu s'en passer, ils s'en seraient passé, c'est absolument certain. D'ailleurs on émout très très très légèrement convexe, puisque les lames sont toujours orientées un peu vers l'intérieur des meules boiseaux des machines à émoudre, de 1 ou 2 degrés je crois. Mon émouleur a même rentré de nouvelles machines cette année ou cet angle est réglable (à l'arrêt, ce n'est pas un axe commandé) jusqu'à 5 ou 6 degrés je crois. Pour le coup, ça c'est peut-être un peu plus récent, car sur une machine de ce genre la longueur max des lames est déterminée par le diamètre de la meule, et donc si on veut pouvoir faire des grandes lames jusqu'à 35cm, il faut des grandes meules, donc des machines puissantes pour les faire tourner (et sans que ça vibre, etc), et manifestement dans le passé la puissance des machines à émoudre était limitée.
Je revoyais la vidéo de l'émouleur des Windmühlen, et sa vieille bécane est vraiment une antiquité, guidée à la main et sans aucun automatisme ou asservissement d'aucune sorte. On est sur une productivité à peine supérieure à celle de l'émouture entièrement manuelle. Je demanderais à mon émouleur s'il a connu ça, et quand sont apparus les premiers automatismes. Si lui ne sait pas, son père saura. Le fait est qu'avec la commande numérique et les tôles laminées à froid, on peut maintenant remédier à tous les compromis qui ont été historiquement inévitables lors de la massification de la production. Mais ça bouge pas vite. Un jour je lancerais une gamme de cuisine qui tire profit de la technologie au lieu de se laisser freiner par elle. Un jour...