un "petit" complément d'information qui vient de m'arriver (après la parution de mon post de 12h17):
L’HISTOIRE :
Le bassin thiernois est seul à pouvoir prouver une fabrication et une commercialisation continues du couteau Laguiole depuis plus de 150 ans.
Le partenariat entre Thiers et Laguiole remonte au moins à 1868, date de la première marque laguiole déposée par un thiernois et date de la première médaille en coutellerie obtenue à Rodez par Mr Calmels, qui, selon l’historien Mr Christian Lemasson, aurait créé le Laguiole autour des années 1860.
Ceci n’est pas en contradiction avec une (re)naissance de la coutellerie à Laguiole vers 1826/1828. Les laguiolais fabriquaient alors le capuchadou et jusque dans les années 1850 leur effectif est resté d’environ 5 personnes.
Du milieu du XIXème siècle jusqu’à l’apogée de la coutellerie à Laguiole, l’effectif sur place n’a atteint au plus qu’une trentaine de personnes avec de modestes moyens de production.
Ceci n’empêchait pas les patrons laguiolais d’être des entrepreneurs avisés qui, obtenant des médailles au concours d’expositions, attiraient une clientèle nombreuse spécialement lors des grands jours de foire.
La région thiernoise, elle, avait dompté depuis bien longtemps son torrent « La Durolle » et, tout au long du XIXème siècle, ce sont 12000 à 18000 personnes qui étaient impliqués dans le bassin en coutellerie (dont 9000 pour les seuls couteaux fermants (dont le « Laguiole ») en 1898 !).
C’est donc tout naturellement que, depuis le départ, les couteliers laguiolais se sont appuyés sur Thiers pour pouvoir subvenir à la demande. Les Calmels, Pagès, Mas, Glaize fabriquaient une partie de leur production et tous avaient en parallèle leurs fournisseurs thiernois qui fabriquaient à leur marque la grande majorité des couteaux Laguiole mis en vente.
En 1914, la guerre met un coup d’arrêt à la production laguiolaise qui devient quasi inexistante jusqu’en 1950 et s’arrête de 1950 à 1985. Ce sont les thiernois qui ne cesseront de produire pour les magasins de Laguiole et la zone de chalandise alors plus élargie pendant cette période.
Sans Thiers, le couteau Laguiole serait certainement tombé dans l’oubli à l’instar d’autres couteaux de région.
Puis - suite à la volonté d’élus du nord-aveyron et d’investisseurs - c’est grâce à la transmission de savoir-faire, des outillages et des machines depuis Thiers que la renaissance effective de la fabrication à Laguiole a été possible en 1985 :
en 1985 c’est l’entreprise « Le couteau de Laguiole » qui ouvre, place du foirail, avec 4 jeunes formés à Nogent et à Thiers. Ils sont monteurs, assembleurs, finisseurs et achètent leurs fournitures à Thiers ;
en 1987 la sarl LAGUIOLE est créée grâce au transfert du savoir-faire, des outillages, des machines de l’usine Mazelier-Chaize depuis Thiers. Mr Mazelier, son dirigeant, quittera Thiers pour Laguiole, sera associé dans la sarl et sera son directeur technique jusqu’en 2008.
En 1994, Mr Mazelier fait venir de Thiers Mr Virgilio Munoz, coutelier d’Art et MOF qui exerçait à la maison de couteliers de Thiers ce qui a permis l’intégration de la coutellerie d’Art à Laguiole.
En 1995, la sarl LAGUIOLE devient « Forge de Laguiole ».
A partir des années 1990 ; d’autres entrepreneurs qui n’étaient pas du métier exploitent le filon. Ils s’installent à côté de l’historique magasin Calmels et de son voisin Glandières ou encore dans la proche région comme à Espalion. Tous achètent à Thiers et certains bâtiront des ateliers.
Cependant aucun ne cessera de travailler avec Thiers pour subvenir à la frénésie provoquée par le célèbre couteau !
Grâce à un marketing mené de main de maître, les ventes augmentent dans le monde entier, les touristes affluent en masse.
Ils achètent souvent, et souvent sans le savoir, des laguioles thiernois !
C’EST LE GRAND PARADOXE :
Plus généralement et c’est un grand paradoxe car peu de gens le savent : on peut estimer que plus de 90% des laguioles vendus du milieu du XIXème siècle à 1950 étaient thiernois et qu’ils l’étaient tous de 1950 à 1985 !
Ainsi, si votre grand-père, pour maintenir une belle tradition, vous a transmis son couteau Laguiole, ce dernier est très certainement thiernois … même s’il est à la marque d’un coutelier aveyronnais !!!
Ceci n’enlève évidemment absolument rien à la qualité du couteau ni à la beauté et à la symbolique du geste !
LES CELEBRES LAGUIOLES « CROCOMBETTE » : DES LAGUIOLES BIEN THIERNOIS :
Les couteaux Laguiole « Calmels » les plus recherchés par les collectionneurs et qui s’arrachent à prix d’or dans les ventes aux enchères sont tous passés par les mains d’un thiernois : Mr Nicolas Crocombette, reconnu comme le plus grand artiste du Laguiole et qui a obtenu pour cela la légion d’honneur en 1952 !
Né en 1863, il a magnifié le Laguiole dès 1895 en exerçant son art de monteur, de sculpteur sur ivoire, de graveur de lames, ressorts et autres pièces, etc… pour ses patrons thiernois qui vendaient à Laguiole.
Le grand couteau Laguiole offert au président de la république française Albert Lebrun lors de l’inauguration de l’Ecole Nationale Professionnelle de Thiers en 1934 est une œuvre d’exception et une preuve incontestable du talent de l’artiste.
Il pratiquait encore son art juste avant son décès en 1955.
Les grandes collections de « Laguioles », y compris celles détenues en nord aveyron, possèdent toutes au moins un « Crocombette » … fabriqué en bassin thiernois !
Ainsi depuis 1985, tous ces nouveaux acteurs ont travaillé et travaillent encore avec Thiers d’une manière ou d’une autre : achat de matériels de coutellerie, de prestations de service (découpage, forge, traitement thermique, émouture, manches corne, etc…), de pièces détachées (diverses fournitures), de couteaux laguioles finis à leur marque ou non.