Je me permet de participer, vu que c'est un sujet qui habite ma tête depuis longtemps la conception des "couteaux de survie"
Ce qui serait bien c'est de définir un niveau de résistance un peu quantifiable sur les couteaux. Un couteau de 3,5mm d'épaisseur en c70, c'est laaaaaaagement assez costaud pour les tâches usuelles. Maintenant si vous cherchez un couteau indestructible à main nues c'est en effet pas le même cahier des charges.
Mora fait des couteaux solides, mais que je peux péter. Mais pour un couteau c'est largement assez solide.
Maintenant fendre du bois en faisant des torsions et des stress latéraux sur la pointe, ça nécessite un peu plus de réserve si on veut un outil durable. Perso j'ai une sainte horreur de me demander si ce que je vais faire va abîmer mon couteau, y compris dans des situations ou je sais que clairement mon couteau est inadapté voire carrément débile. N'empêche que même après avoir lancé plusieurs centaines de fois mon couteau contre de la brique, de l'acier et du parpaing, au pire un affutage et ça repart, mais ça casse jamais. Moi ça me rassure, sans aller jusqu'à dire que c'est un paramètre essentiel pour un couteau.
Sur les épaisseurs:
Bon j'ai jamais eu de Becker mais 6,5mm j'avoue que même pour moi ça fait épais. Aujourd'hui sur du 80CrV2 pour un couteau type survie j'y mets plutôt entre 4,5 et 5,5mm.
De mes tests: 4mm en 80CrV2, si je cherche à casser la pointe par levier a main nues, je vais avoir du mal, ça va franchement plié mais j'y arriverai en insistant.
Au delà de 5mm, mon dos va se casser avant la lame

Le but c'est pas juste de regarder si ça casse ou non. Mais faire levier avec un couteau c'est parmi les trucs les plus éprouvants pour une lame, et le but c'est que la lame reste un maximum droite et rigide! Une lame souple pour faire levier ça marche pas.
Je peux même vous dire qu'à partir du moment ou la lame se déforme élastiquement avant que la bûche ne s'écarte: arretez c'est votre couteau qui va faire fusible.
Pour moi un couteau de survie c'est donc pas une lame que solide, mais rigide et résiliente. La rigidité va passer surtout via l'épaisseur de la lame, les aspects solidité et résilience c'est surtout l'acier et son tth qui vont jouer.
Mais pas que, c'est aussi une question d'équilibre dans mon cas: si on veut un pouvoir de coupe à la volée suffisamment interessant pour se passer d'une hachette, faut du poids vers la lame. Deux solutions: faire une grande lame de 20-25cm, ou faire une lame plus courte mais plus épaisse. Perso 13-15cm en 5mm avec une prise en main reculée j'aime bien. Ca fait autour des 400gr, avec une petite scie pliante et un SAK, on a un set très polyvalent pour mes sorties typiques en bivouac, de quoi débiter et refendre un peu de bois morts pour le feu et bricoler. Au final on s'en sort pour un set très polyvalent autour de 600gr, et pas encombrant par rapport a un gros couteau de camp et une hachette.
Maintenant on peut aussi partir sur un couteau plus léger qui reste costaud, c'est à adapter à vos besoins. Encore une fois il faut distinguer le "suffisamment solide à mon goût" et le "indestructible". Et du coup faut avoir ça à l'esprit quand on juge le choix des autres: "est-ce qu'il a les mêmes postulats que moi?". Ça dépend de votre condition physique, de votre façon de vous AMUSER (et non pas de "survivre") dans les bois, des fantasmes que l'ont nourrit tous vis a vis de nos couteaux (non, ce n'est pas sale), du reste de votre équipement en bivouac etc.. le gars qui part avec tente, sac de couchage et réchaud a gaz aura pas les mêmes besoins que le gars qui cuisine au feu de bois, compte aussi sur son feu pour se chauffer un peu la nuit car il a juste un drap de laine etc.. et là on est dans le domaine du loisir, ca se discute pas vraiment (et faut arrêter de parler de couteau de survie surtout, ce sont des couteaux d'outdoor utilisés à 99% pour du loisir)
Sur les aciers:
De ce que j'ai testé sur 6 ou 7 aciers: si on dépasse les 0,8 % de C, ça va avoir un comportement cassant plutôt que plastique. Alors je sais c'est grossier comme analyse, mais c'est ce que j'ai vérifié à chaque fois.
Les deux aciers qui m'ont le plus convaincu étant le 5160, le 80CrV2 et le 1.2604, qui gagnent beaucoup en résilience par rapport aux autres sans pour autant avoir de compromis sévères.
Je fondais des espoirs sur le 100C6, mais non, ça pète quasi directement, peu de souplesse et pas de signes avant coureurs que ça va péter en stress latéral. Le tranchant reste relativement costaud en compression sur des matériaux durs, on peut avoir des écrasements de fil (plutot bien), mais sur un très gros chocs ya moyen que ça chips sur un gros bout, là ou un 80CrV2 encaissera au pire un léger voile si on doit observer des dégâts au dessus du fil. Voile qui peut se rattrapper en frappant dessus avec un galet. Bon la zone gardera une relative fragilité mais le couteau sera de nouveau en état en quelques minutes.
Alors j'ai rien testé personnellement sur les aciers de geek en outdoor, mais a mon avis on peut faire une croix sur les déformations plastiques avant casse (toutes les vidéos de tests que j'ai vu sur les aciers super alliés ont racontés la même chose: premier dégât visible = casse ). Donc on a intérêt à blinder un peu plus l'épaisseur en effet.
Après encore une fois, chacun ses attentes, plus ou moins rationnelles, en terme d'acier.
Perso je m'en carre du caractère inox de mes lames, ca fait une composante de moins à intégrer dans un compromis pas facile (quoiqu'avec le 14c28n..) Indépendamment de ça, je sais que j'aurais du mal à ne pas prendre une lame forgée avec moi, mais là ça se passe juste dans ma tête, faut l'accepter.
Bref, ya tellement d'attentes différentes (et pas toujours rationnelles encore une fois) qu'il serait illusoire qu'un industriel arrive a mettre tout le monde d'accord.
Perso les Esee ne m'ont jamais fait envie, pas du tout ce que je prendrai en premier choix, maintenant si j'arrive pas à passer un WE dans la nature en France à cause du Esee, c'est probablement que je suis une grosse quiche snobinarde

Même raisonnement avec un Mora ou un Opi, si on est pas foutus de se débrouiller un minimum avec ces outils de base, ben essayez jusqu'à ce que vous y arrivez, même s'il faut s'y prendre autrement. On peut fendre une bûche avec un opi. Mais pas de la même façon qu'avec un camp. Certes c'est moins adapté, mais c'est faisable. Perso j'irais pas vers cet outil en premier, maintenant quand je vois mon pote qui utilise en tout et pour tout un opi 10 pour dépecer des animaux, travailler dans son verger ou ses cultures, dans son atelier etc.. et on parle d'un pote qui dans son chez lui à moins de confort que nous en bivouac hein. Ben j'irais pas lui dire "mais t'es nul t'y connais keud avec ton opi même pas en s35vn". Parce qu'a la fin de la journée, tu vois le boulot abattu et l'opi dans sa poche.
Le plus gros mythe des couteaux de survie, c'est de penser que le couteau est livré avec les compétences de survie ad-hoc.
Au contraire, pour moi on arrive à des outils spécifiques, et faut apprendre à s'en servir, comme de tout en fait. Mais ca demande d'avoir un sens de l'adaptation, de l'improvisation, bref, un sens de la démerde qui s'acquiert pas sur les forums. Et une fois qu'on a suffisamment musclé ce sens de la démerde, on se rend compte qu'on peut se démerder aisément avec une multitude d'outils.