Un jour, comme tout le monde*, on se lève un matin et on se rend compte que certains de nos couteaux dorment dans le tiroir depuis longtemps … qu’on ne les porte pas assez régulièrement, voire pas du tout …
A ce moment-là, on prend conscience d’un grand vide dans notre cœur : telle lame tant choyée, tel couteau au manche patiné par notre sueur, pôvres d’eux qui se morfondent au fond d’un tiroir, envahis d’un irrépressible sentiment d’abandon, la tristesse dépressive qui les envahit …
Alors, c’est le spleen, la grande anxiété : et si cela n’était pas bon pour la bonification de l’acier ? Et si, le temps passant, la négligence dont on s’est rendu coupable avait des conséquences catastrophiques sur la fiabilité et l’équilibre psychologique de nos couteaux-préférés-qu’on-garde-au-chaud-pour-pas-les-abîmer ?

On se prend à fredonner, un peu malgré nous, le rouge aux joues et les yeux fuyants :
Je me lève, et je te bouscule, tu n’te réveilles pas, comme d’habitude,
Sur toi, je ferme le tiroir, j’ai peur que les gosses te voient, comme d’habitude,
Ma main, caresse tes platines, presque malgré moi, comme d’habitude,
Mais là, un détail n’va pas, comme d’habitude.
Alors, je m'habille très vite, je prends mon Sebbie, comme d'habitude,
Tout seul, je bois mon café, je suis en retard, comme d'habitude,
Sans bruit, je quitte la maison, tout est gris dehors, comme d'habitude,
J'ai froid, je clipe mon Mnandi, comme d'habitude.
Comme d’habitude, toute la journée, je vais jouer à faire semblant,
Comme d'habitude, je vais sourire
Comme d'habitude, je vais même rire
Comme d'habitude, enfin je vais vivre
Comme d'habitude
Et puis, le jour s'en ira, moi je reviendrai, comme d'habitude ,
Toi tu seras rangé, pas encore sorti, comme d'habitude,
Avec toi, je f’rais le dîner, sur une planche en bois, comme d'habitude
Mes larmes, je les cacherai, comme d'habitude …
On ne finit pas la chanson, on sait que son issue est triste, la séparation et tout ça …
- couic –
Alors, comme on n’est ni con ni buté, on se reprend en main (non Freddy, pas comme ça) et on prend de bonnes résolutions : à partir de dorénavant tout de suite maintenant même : je fais tourner mes EDC !
Voilà !
Na !
Ouf ! Problème réglé, passons aux soucis secondaires. Bon, la pompe vide-cave est en rade depuis une semaine, et ça commence à faire râler dans la chaumière, occupons nous-en maintenant que les vrais ennuis sont passés.
Ouf.
Oui, mais voilà …
Arrivé le lendemain, il faut bien choisir le ou les heureux élus appelés à passer une excitante journée au chaud dans notre poche.
Plus simple à dire qu’à faire. On reste plusieurs minutes le matin devant ce fichu tiroir. On en prend un, on le soupèse pensivement, on le repose en faveur d’un autre – non, pas aujourd’hui, peut-être demain … On a le cerveau qui fait des boucles infinies, incapable et trouver l’issue marquée « endloop » …
Souffrance ultime …
*Monde : l'auteur par ce mot désigne le monde de l'hoploculture, ie. : l'underground de l'amateurisme hoplophile pratiquant.