J'ai noté un certain "malaise", et c'est un euphémisme, chez certains lorsque l'on se permet de critiquer le travail de tel ou tel coutelier. Le malaise, constaté sur le forum, peut franchement tourner à la bagarre de rue en "off"; et on peut vite se retrouver affublé de noms d'oiseaux, ou faire face à une propagande de salon carrément calomnieuse. Enfin, c'est comme ça que je le ressens. Le problème ne vient pas des réactions des forumeurs à telle ou telle critique de leur coutelier préféré. Ca je m'en fous, c'est normal. Je parle des réactions, cachées hélas des couteliers eux-mêmes.
Je me suis permis un certain nombre de fois de dire ce que je pensais du travail de tel ou tel coutelier. D'abord, dès les départ il faut être clair, il y a des trucs qui ne me plaisent pas, esthétiquement, ou tout simplement parce que je ne leur trouverais aucune utilité. J'ai toujours considéré le couteau comme un outil, et donc j'achète des outils, dont je me servirai, ou pas s'ils ne me conviennent pas, ou pire si je les trouve mauvais. A côté de ça je suis bien sûr sensible, beaucoup, à l'esthétique de cet outil. Si j'achète un couteau à Bruno, c'est parce que ce couteau me fait voyager, pas seulement pour m'en servir.
Sur le forum, il y a parfois (j'y participe aussi hein) un véritable engouement pour certains couteliers, de vraies vedettes, et des pages, des centaines de posts, de "oh comme c'est chouette", "oh comme c'est bien fait"…. etc etc. Why not d'ailleurs, c'est pas un problème.
Mais on peut aussi parfois être déçu à l'utilisation du couteau tant encensé ici. Et on peut le dire, en argumentant, en expliquant.
Je le dis parfois, et visiblement ça pose problème. Pas ici, mais ailleurs

On peut choisir son public en tant que coutelier: des collectionneurs, des utilisateurs, ou les deux. Mais en fait bof, en dehors des trucs grand luxe avec plein de nacre et de scrimshaws et de trucs comme ça, le gars qui achète a le droit d'utiliser le couteau quand même. Et évidemment il y a le risque qu'il ne soit pas content. Pire, qu'il le dise.
On peut le dire en tête à tête, ou alors de manière plus générale, en disant: "la mode c'est vraiment à faire des trucs trop épais, que je trouve inutilisables pour telle raison...". Ou le dire plus explicitement: "je n'aime pas tel couteau parce que...", et parfois, devant justement les dizaines de pages qui dégoulinent de compliments, ben une critique ça ne fait pas forcément de mal. Si elle est expliquée, en attendant de savoir si elle est juste ou pas.
Hélas ça ne se passe pas comme ça: j'ai des tas de contacts avec des tas de couteliers qui sont sensibles à la critique, à une opinion, qui essayent de la comprendre, et qui parfois m'envoient sur les roses en m'expliquant pourquoi j'ai tord. Pas de soucis, au contraire.
Mais je sais que pas mal se braquent, refusent d'entendre ça. On se retrouve finalement face à un Roi avec sa cour quoi, c'est un peu l'impression que ça me fait. Et là, le seul moyen, c'est parfois de mettre les pieds dans le plat, ici, ou ailleurs.
Bref je trouve ça dommage au final, ça n'est pas un facteur de progression pour l'artisan, et surtout à mon avis c'est à terme l'assurance de perdre une partie de son public.
Sur quoi Busse vend des couteaux? Sur son image, à 99%. Moi ça me plaît ce trip Mad Max. En revanche je serais le premier à dire que les petites lames de 8 mm chez Busse, c'est débile comme outil. Quand un mec critique son taf sur son fil, Jerry l'éjecte, le menace de mort et lui envoie ses chiens. Et ben quand la mode "End of the World" sera passée, je suis pas sûr qu'il vendra encore beaucoup de couteaux.
On peut vendre sur une mode, une tendance, mais pour durer je pense qu'il faut vendre aussi sur l'efficacité. (laissons tomber encore une fois les trucs pour mafieux russes).
Une dernière chose: critiquer, ça ne veut pas dire ne pas aimer. On peut dire un truc "négatif" sur le travail d'un artisan, et aimer quand même beaucoup ce travail.