par Zarmageddon » 04 Mar 2014 08:11
La notion de "noblesse" d'un métier, c'est tout de même très subjectif... Par exemple, on loue souvent le "nez" de tel ou tel grand galeriste qui a fait découvrir un jeune artiste, mais on oublie généralement de dire qu'il lui prend jusqu'à 60 % au passage, sur les oeuvres qu'il vend. Sempiternel débat sans réelle issue, chacun campant sur ses positions.
Un jour, le célèbre coutelier nogentais, Emile Drouhin, me disait : "Hermès m'achetait mes ongliers et multipliait mon prix pas 7, et il en vendait plus que moi. Et puis, un jour, ils ont trouvé que x7, ce n'était pas assez et ils les ont fait fabriquer en Inde..."
Cela a toujours existé, depuis que le monde est monde. Par exemple, les meilleures pipes Dunhill sablées sont toujours faites à St Claude en série, mais elles se vendent aussi chères qu'une freehand de Pierre Morel, qui est le meilleur maître pipier français et qui ne fait que des pièces uniques... Allez comprendre...
A la fin du salon de Nyons, il y avait encore 4 couteaux sur la table de David, 3 sur la table de Guy Poggetti et je pense que si un marchand avait proposé de les acheter moyennant une remise raisonnable (de l'ordre de 20%), ils les auraient vendus. Cela dit, ils les vendront sur leur site et c'est très bien.
Un autre coutelier, il y a déjà quelques années me confiait qu'il préférait vendre ses couteaux invendus, à la fin du Sicac, à un revendeur, plutôt que de devoir les remettre sur sa table à Thiers : "au moins, ça m'oblige à créer de nouveaux modèles" (c'était avant les sites internet où les couteliers peuvent vendre directement leur travail).
Je l'ai déjà dit et le redirai probablement, c'est ma vision des choses et je comprends qu'on puisse avoir une vision différente : le commerçant joue son rôle en faisant connaître le travail de tel ou tel coutelier à des clients qui ne connaissent pas le monde du couteau, mais qui ont les moyens d'acheter un bel objet de manière ponctuelle. Et à la limite, plus il vend cher et moins il fait de l'ombre à l'artisan : ce sont deux marchés différents.
J'ai même appris que certains (mais pas ici, voyons...) monnayaient leur place sur la liste d'attente d'un coutelier... Vous en voulez de la noblesse !
On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve.