
Les âmes pures me diront « mais non, j’aime un couteau parce qu’il est beau, point barre (comme l’ancien premier ministre qui découvrit cette nouvelle zone érogène…)». Et bien moi, je me dois de me l’avouer, le prix payé pour un couteau participe grandement au plaisir que j’ai à l’utiliser…
Je m’explique…
Pas plus tard qu’hier, au salon des vieilles armes et de la coutellerie de Rungis, fort bien reçu sur le stand de Braddy, où je festoyais goulument, il me fut présenté, en fin de salon, un couteau pas banal…

Hawkbill, piémontais et bois ondé, à priori, pas mon kiff, comme disent les jeunes qui ont du vocabulaire, mais voilà…
« mouais, c’est pas mal, c’t’un Séga en plus… c’est combien ? »
« 40 euro » me dit le comparse de Braddy, un homme charmant avec des pièces de collection étonnantes, dont une canne pistolet digne d’Hercule Poirot.
« diantre ! » me dis-je en mon fort intérieur, « mais c’est fort peu cher !

N’écoutant que ma volonté, qui n’eut pas gain de cause, j’achetais vite ce couteau, qui sommes toutes, à plein de défauts mais aussi plein de qualités, dont une, qui n’est pas des moindres, est la modicité de son prix, ce qui me permet de revenir au début de mon propos, dont des digressions multiples m’avaient fort écartées. (Essayez donc de dire cette phrase à voix haute sans reprendre votre souffle au milieu, et vous saurez si la plongée en apnée est un sport fait pour vous).
Je me dois d’avouer que mon esprit paysan me fait souvent apprécier le vilain petit canard, acquis à faible prix, par rapport au Gravelines resplendissant que j’eu pu acquérir. Les mauvaises langues, et elles sont nombreuses, me diront que mon cotés Jeb Stuart y est aussi pour quelque chose…

J’en conviens !

Néanmoins, j’éprouve beaucoup de plaisir à manger avec un couteau ancien obtenu contre un poignée d’euro, et donc il faut bien l’avouer, le fait d’avoir l’impression de faire « une affaire » me le rendra cher à mon cœur, ce couteau délaissé par son précédent propriétaire…
Mais bon, il faut tout de même que l’heureux élu ait quelques atouts, je ne vais pas me jeter sur le premier marin (couteau de !) qui passe au prétexte que la faiblesse de son prix justifie de l’intérêt que je pourrais lui porter.

Par exemple, ce nouvel achat compulsif a quelques défauts, déjà cités, mais il a pour lui d’être NIB, en Xc75 forgé avec une belle ligne de trempe, une lentille en fer martelé et laiton, une ligne élégante… et son prix, 40 euro…
Essayez donc de trouver un grand pliant d’artisan connu, neuf à ce prix…
L’avoir acheté à faible prix lui donne un « vécu » affectif, qui le place d’ors et déjà en bonne place dans mon cœur…

Bien sûr, un hawkbill n’est pas simple d’usage, mais je devrais pouvoir l’utiliser au jardin pour couper des plantes envahissantes, où sa lame fine (« tu préfères la fine ou l’épaisse ? » dixit notre regretté efix), fera merveille et la longueur du tranchant « faucillesque » me permettra de trancher mon cèleri en toute quiétude !


