Forge de Pierre / Pierre Lebrun

[byhb]

[sealence]

Je voudrais savoir, à quoi sert ce creux sur un côté de la lame du Yakut?

[bidon]

Certainement à économiser du métal. Enfin j'imagine.

Quelques infos par ici.

[sealence]

Merci bidon. Intéressant !

[phd29]

Oui très intéressant ..merci M’sieur Bidon ..

[Pierre72]

"La rainure rend la lame moins lourde et permet à un forgeron d’utiliser moins de métal nécessaire pour fabriquer une lame plus grande."

c'est faux

il y a autant de matière que sur une émouture classique, seulement elle est positionnée différemment.

La gorge est le centre d'une concavité reprise ensuite à la meule afin d'avoir un creux parfait entre le dos et le tranchant. Autrement dit si vous mettez le couteau à plat sur une pierre, seul le dos et le fil vont toucher la pierre.
Par ailleurs, la matière forgée au centre de la concavité se retrouve décentrée de l'axe reliant le dos et le tranchant, on s'en sert donc pour créer le côté convexe.

Dans la pratique ça donne une lame très pénétrante et tranchante il suffit de faire des copaux dans du bois avec par exemple pour s'en rendre compte. le côté convexe se retrouve contre le morceau que l'on tiens et le côté concave est du côté du morceau découpé. Il en résulte que la pénétration n'est pas du tout freinée et ça rentre tout seul.

[Pierre72]

J'en profite pour faire une remarque

Comme tous les couteaux, outils et armes traditionnels ayant pour vocation la coupe, la forme du tranchant est très élaborée et adaptée à un besoin.

(par contre étonnamment l'acier ils s'en foute les mecs, 95% du temps c'est un acier fondu genre xc80 )

Exemples:

Les cuisines français avec beaucoup de variations d'épaisseur le long du dos ainsi que sur l'émouture, le talon supporte de taper là ou le reste de la lame tranche très finement, ce qui les rends très polyvalents, et je ne parle du flex...

Les puukkos avec leur émouture rhombique qui renforce la lame et la rigidifie tout en la gardant mince au dos et très vive au fil (par -30° une lame juste fine casse facilement et quand on a des moufles on a besoin d'un tranchant très coupant, d'ou le rhombique)

Les yakuts comme vu précedement

Et il y en a plein d'autres : machettes d'Asie, sabre de cavallerie, dague de veinerie, taillanderie avec les planes ou les tranchets de cordonnier par exemple etc etc...

Systématiquement on attends de ces outils une très grosse performance de coupe. La forme du tranchant est donc très étudiée et demande un travail important reliant dans l'esprit de l'artisan la forge et la meule à eau très étroitement.

[CONGIU Joël]

Voilà de bien pertinentes informations qui balayent bien des bavardages trop futiles et mal avisés.

[Hieronymus]

Merci beaucoup Pierre pour ton temps sur le forum.

Bruno Duffort en a fait un il y a deux ans, je me permets de remettre ici son commentaire :
Faire un yakut et faire un couteau en forme de yakut, ce sont deux choses differentes. ceux qui imaginent les couteliers siberiens comme des forgerons qui forgent leur lame a coup de boule et avec des marteaux de 5kg ont tout faux. c'est un travail de finesse, et remarquable d'efficacité quand c'est bien fait. Et apres avoir tellement galéré sur cette emouture et son tranchant, j'ai un immense respect pour tous ces gars ! La simplicité de ces couteaux n'est qu'une apparence!

[Égée]

Génial !

[sealence]

Rien ne vaut,de bonnes explications. Merci

[Pierre72]

merci

[Pierre72]

J'aime bien quand je travail me projeter dans la façon de penser de nos anciens, même si c'est pas très à la mode aujourd'hui en coutellerie, je trouve que c'est enrichissant et utile.
Si on imagine simplement 90 ans en arrière on trouvait des lames fabriquées avec ce mode de réflexion partout et depuis des siècles de la même façon.

Et surtout on se rends compte que le besoin et le niveau d'exigence des utilisateurs était très élevé, bien plus qu'aujourd'hui ou beaucoup de machines ont remplacé des taches ou la coupe était faite manuellement.

Un exemple pas si ancien, Bernard Solon Taillandier Orléanais m'expliquais qu'à une époque il fabriquait plus de 40 planes par semaine pour répondre à la commande des mecs qui écorçait encore manuellement tous les poteaux de téléphone !
Je vous laisse imaginer le boulot et les conséquences si les planes ne coupaient pas.

Eh bien il les fabriquait; tout seul dans son atelier, en xc48, forgé au martinet de très prêt, trempé et revenu différenciel, émout sur meule à eau, monté avec des poignées en frêne tournées sur soie traversante.
Rien d'extraordinaire sur la fiche technique matériaux simple procédé ancestral acier pas terrible aujourd'hui, et pourtant on épluchait des poteaux de résineux plein de nœuds toute la journée avec
Et pour en avoir eu une dans les mains, j'assure que c'était vraiment du travail impécable, brut de forge super propre, ergonomie parfaite, géométrie de tranchant très mince.

Il suffit d'aller faire un tour dans notre patrimoine et imaginer que tous les objets visibles qui nécessitait à un moment donner une découpe ont été fait avec des trucs forgés par les couteliers et taillandiers de l'époque.
On ne me fera par croire qu'il y a eu du progrès significatif en terme de performance de coupe. Aujourd'hui avec nos fours de trempe et nos aciers de foufou on égale difficilement ou même pas du tout des mecs qui travaillaient à la lueur d'une lampe à huile des aciers artisanaux.

J'en discutait encore il y a peu avec un ingé métallurgiste d'une marque de montres très connue ou l'on trempe en sélectif au laser des dents d'engrenages minuscules eh bin le mec était fasciné par Perret ! ses tours de main et sa connaissance du comportement de l'acier

C'est ce qui me plait le plus dans mon métier, travailler avec des techniques anciennes, simples, économiques en matériaux et qui ne dépendent pas d'un outil de mesure ou d'un "process" mais d'une sensation et d'un coup d'œil afin d'obtenir un objet tranchant fiable et coupant adapté à l'usage


sinon le petit dernier sorti de l'atelier aujourd'hui
manche en buis, virole en acier et soie traversante. Lame en c70 à tranchant dégressif permettant sur la première moitié de fendre le sternum d'un gibier et sur la seconde moitiée (côté pointe) un tranchant très mince pour dépecer finement l'animal. Etui cuir cousu en point de sellier.

DSC01240_DxO by Pierre Lebrun, sur Flickr
DSC01244_DxO by Pierre Lebrun, sur Flickr
DSC01238_DxO by Pierre Lebrun, sur Flickr

[phd29]

Merci de tes explications ..
Celui la le creux a été a été martelé à la forge ou creusé à la meule?on dirait que cela a été martelé …

[Pierre72]

normalement si c'est bien fait c'est martelé puis meulé.