J'aime bien quand je travail me projeter dans la façon de penser de nos anciens, même si c'est pas très à la mode aujourd'hui en coutellerie, je trouve que c'est enrichissant et utile.
Si on imagine simplement 90 ans en arrière on trouvait des lames fabriquées avec ce mode de réflexion partout et depuis des siècles de la même façon.
Et surtout on se rends compte que le besoin et le niveau d'exigence des utilisateurs était très élevé, bien plus qu'aujourd'hui ou beaucoup de machines ont remplacé des taches ou la coupe était faite manuellement.
Un exemple pas si ancien, Bernard Solon Taillandier Orléanais m'expliquais qu'à une époque il fabriquait plus de 40 planes par semaine pour répondre à la commande des mecs qui écorçait encore manuellement tous les poteaux de téléphone !
Je vous laisse imaginer le boulot et les conséquences si les planes ne coupaient pas.
Eh bien il les fabriquait; tout seul dans son atelier, en xc48, forgé au martinet de très prêt, trempé et revenu différenciel, émout sur meule à eau, monté avec des poignées en frêne tournées sur soie traversante.
Rien d'extraordinaire sur la fiche technique matériaux simple procédé ancestral acier pas terrible aujourd'hui, et pourtant on épluchait des poteaux de résineux plein de nœuds toute la journée avec

Et pour en avoir eu une dans les mains, j'assure que c'était vraiment du travail impécable, brut de forge super propre, ergonomie parfaite, géométrie de tranchant très mince.
Il suffit d'aller faire un tour dans notre patrimoine et imaginer que tous les objets visibles qui nécessitait à un moment donner une découpe ont été fait avec des trucs forgés par les couteliers et taillandiers de l'époque.
On ne me fera par croire qu'il y a eu du progrès significatif en terme de performance de coupe. Aujourd'hui avec nos fours de trempe et nos aciers de foufou on égale difficilement ou même pas du tout des mecs qui travaillaient à la lueur d'une lampe à huile des aciers artisanaux.
J'en discutait encore il y a peu avec un ingé métallurgiste d'une marque de montres très connue ou l'on trempe en sélectif au laser des dents d'engrenages minuscules eh bin le mec était fasciné par Perret ! ses tours de main et sa connaissance du comportement de l'acier
C'est ce qui me plait le plus dans mon métier, travailler avec des techniques anciennes, simples, économiques en matériaux et qui ne dépendent pas d'un outil de mesure ou d'un "process" mais d'une sensation et d'un coup d'œil afin d'obtenir un objet tranchant fiable et coupant adapté à l'usage

sinon le petit dernier sorti de l'atelier aujourd'hui
manche en buis, virole en acier et soie traversante. Lame en c70 à tranchant dégressif permettant sur la première moitié de fendre le sternum d'un gibier et sur la seconde moitiée (côté pointe) un tranchant très mince pour dépecer finement l'animal. Etui cuir cousu en point de sellier.
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Pierre Lebrun, sur Flickr
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Pierre Lebrun, sur Flickr
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