Je lis souvent sur ce forum des réponses étranges concernant le prix des couteaux, genre « pour le même prix, t’en a 10 de la marque bidule » ou bien « tu as pour 20 euros de matière et ils te le vendent 300 euros » et d’autres genres de remarques. Ce n’est pas trop mon genre de mêler de ce genre de discussion, mais j’avais envie de réagir parce que nous sommes entre amateurs de couteaux et qu’il ne faudrait pas oublier qu’en matière d’outils, au sens large du terme, le prix, il existe des exceptions, est rarement un critère de jugement et encore moins source de polémiques, c’est le plus souvent une question de moyens.
Nous devons tout d’abord distinguer clairement les qualités de fabrications et les moyens mis en œuvre par les artisans comme par les industriels, afin de nous proposer des produits adaptés à nos exigences, nos besoins et notre budget, en prenant en compte les nécessités d’un secteur concurrentiel et le devoir de sans cesse innover.
Partant de là, nous pouvons facilement imaginer que les discussions ne sont pas vraiment les mêmes dans les réunions chez Spyderco et Benchmade que dans les bureaux de Chris Reeve ou dans l’atelier de PHM. Les enjeux et l’approche du marché économique sont différents et forcément la politique tarifaire s’en ressent.
Il en est de même pour l’usine chinoise qui va fabriquer de faux laguioles.
Le rapport prix/qualité/innovation devient dès lors un débat sans fin qui existe depuis que l’homme fabrique des outils et qui n’a d’égal que celui de savoir qui de la poule ou de l’œuf était là le premier.
Les industriels sérieux cherchent un rapport qualité prix qui leur permettent de maximiser leurs profits tout en proposant une gamme large, de bonne à très bonne qualité, innovante, répondant aux attentes et aux goûts de leur clientèle, en minimisant au maximum les critiques qualitatifs qui ne sont jamais bons pour l’image. Pour réussir, ils ont besoin d’investir en termes de design, d’études de marché, de conception, de fabrication, de réduction des coûts de main d’œuvre. Tout cela se ressent dans le prix final du couteau et nécessite de faire les bons choix car c’est uniquement sur de grandes séries qu’ils peuvent pérenniser leur entreprise. La qualité est directement reliée au prix et si l’on excepte les effets de mode sur lesquels surfent ces mêmes industriels et qui leur permettent d’augmenter leurs tarifs sans réelle concession à la qualité, on ne peut tout de même pas espérer un couteau en S30v, manche en titane, mécanisme parfait et design d’un grand coutelier pour 10 euros. Toutefois, ils sont capables de proposer une gamme très correcte pour des prix raisonnables.
En ce qui concerne les PME de type Chris Reeves, le critère principal leur permettant de survivre est une qualité irréprochable de leurs produits, tant au niveau matériau que conception. Pour cela, il convient d’avoir les meilleurs ouvriers, un cahier des charges serré et bien sûr une capacité d’investir dans du matériel haut de gamme pour de la petite série et c’est donc cher. Là aussi, le coût est important et il se retrouve au final dans le prix du couteau. Le délai de 12 semaines lorsque l’on commande un Sebenza n’est pas dû au fait que CR est parti jouer au golf, mais plutôt à la liste d’attente et parce que réaliser un Sebenza selon le cahier des charges de CRK prend du temps, chaque couteau étant contrôlé et ajusté à la main avant livraison au client.
Le souci est le même pour nos artisans-forgerons, petits ou grands ateliers, qui n’ont pour se battre dans ce secteur très concurrentiel, qu’aucun autre choix que de faire de la qualité et donc de passer des heures à concevoir des couteaux et d’espérer trouver des clients qui seront prêts à payer le prix nécessaire à la poursuite de leur activité. Ce prix peut sembler élevé pour les néophytes, mais lorsque l’on connaît le travail qu’il y a derrière, il est plus que souvent justifié.
Alors, nous pouvons toujours passer des heures à discuter de prix ou à comparer un Douk Douk et un sebenza, mais, au vu de notre passion commune, c’est , il me semble perdre un peu de temps. Chacun de nous, a ses propres désirs, ses fantasmes et ses angoisses existentielles face à nos lames. Le prix dans une passion n’est jamais une bonne raison, ou alors ce n’est déjà plus une passion.
Pour ma part, je préfère mettre un peu plus cher dans mes outils quels qu’ils soient, plutôt que de racheter de la daube tous les 4 matins, même de la jolie daube.
Voilà, j’attends vos commentaires et bien sûr, je n’aborde pas ici les anarques qui peuvent de temps en temps croiser notre route, il est certains que certains produits ne correspondent pas au prix qu’ils sont vendus, mais dans l’ensemble, j’estime avoir payé mes couteaux un prix raisonnable compte tenu de mes exigences. À chacun de faire la part des choses, selon son budget, ses envies, ses besoins et ses priorités.
Désolé, post un peu long, mais j’avais envie de m’exprimer. Ça fait du bien