par Efix » 17 Avr 2007 13:13
Je ne crois pas qu'il faille opposer industrie et artisanat.
En tous les cas, pas si le mot "industriel" doit être utilisé comme synonyme de "mauvaise qualité" ou de "cavalerie".
J'aime assez cette troisième notion : "manufacture".
Et comme il faut illustrer ses propos pour les rendre compréhensibles, les développer, je dirais que je ne mets pas au même niveau des coutelleries comme Perceval, François 1er, Fontenille pataud, et les grosses marques américaines, ou les fabricants comme Herbetz.
Il y a parmi les artisans, ces couteliers qui font de la très mauvaise qualité, et par contre des manufactures qui font d'excellents couteaux, dont la finition laisse à penser que c'est un travail artisanal (les 3 citées plus haut, par exemple). D'autre part, un artisan peut très bien concevoir, en marge de sa production 100% main, une série découpée au laser et réalisée en collaboration avec des boites comme St Joannis, la Générale de découpe, Florinox. C'est le cas de couteliers comme Robert Beillonnet, Alain Descy et de bien d'autres. A partir du moment où la couleur est annoncée, et que le client sait ce qu'il achète.
Dans le cas de Perceval, par exemple, je suis le travail d'E Chavassieux depuis longtemps, tout ce qui est sorti des ateliers Perceval, comme ce qui sort de chez Gilles (Fontenille) et de chez Manu Laplace, a toujours été d'une qualité proche de la qualité artisanale, mais à des prix qu'un artisan ne pourrait pas proposer. A un autre niveau se situent des entreprises comme les Major américaines, dont les plus renommées proposent aussi de très beaux produits. Quand Robert beillonnet décide de sortir un de ses modèles en petite série semi manufacturée ou semi artisanale, ou dans le cas du Shark de Fred, la démarche est louable, car le coutelier s'engage tout de même, il appose son nom sur le couteau, et donc, il met à la portée d'un plus grand nombre, un couteau assez proche de sa production main.
Le T45, par exemple est un couteau tout à fait digne d'une production artisanale, à un prix qu'aucun artisan ne pourrait proposer, le D6 d'Alain aussi. Si vous prenez dans vos mains un Couttier ou un Fontenille, vous aurez aussi un des meilleurs compromis possibles. Il faut tout de même se dire que tout le monde n'a ni les moyens, ni forcément l'envie de se payer à tout crin (et à tout(s) prix), un couteau fait main, de même que tout le monde ne peut ni ne veut se payer une Vacheron Constantin ou une Girard Perrigaux, alors qu'une Tissot T Touch le comblera de joie. Par contre, je n'accepte pas qu'on veuille faire passer pour artisanal, un couteau que la main de l'homme n'a touché que pour l'emballer.
Un artisan menuisier ne travaille pas forcément seul, pourtant, qui penserait à appeler un menuisier, travaillant avec une dizaine de compagnons, un menuisier industriel ?
Pour moi, des boites à dimension humaine, comme Fontenille, Manu, Perceval sont des entreprises artisanales, qui utilisent des techniques semi-industrielles, présentes sur le Bassin Thiernois, et qui finissent leurs couteaux à la main, ce qui permet une grande souplesse dans le personnalisation, par exemple.
Des entreprises comme celle-là, il nous en faudrait plus. Et je trouve dommage que ce que l'on connait hors de france, de la coutellerie française, soit parfois ce que nous avons de plus mauvais. Les Laguiole bon marché sont une caricature de la coutellerie française. Par contre, l'idée du Thiers est excellente. Par contre, je continue de me demander, pourquoi les italiens de Maniago sont capables de réaliser ce que les français ne sont pas capables de faire. J'aimerais beaucoup que quelqu'un m'explique. Et sans doute, nos amis de Perceval, qui vivent le problème quotidiennement pourraient-ils nous éclairer.
Moi, cela ne suffit pas quand on me dit "Nous avons 5 siècles de coutellerie". Sheffield et Solingen aussi, cela ne les a pas empéchés de sombrer et de se transformer en friches industrielles. Je suis certain qu'il y a une place pour une coutellerie inventive, innovante, de qualité, et il est regrettable d'aller essayer de battre les asiatiques sur leur terrain. Il y a de la place pour des couteaux semi-industriels, à des prix raisonnables, et je pense qu'une entreprise peut très bien gagner sa vie avec des couteaux à 100 euros, à partir du moment où elle sait tirer le parti des moyens modernes propres et efficaces, comme la découpe laser : il y en a combien à Thiers ? Et combien à Maniago ?
On parle peu de Wichard, autre fleuron technologique. Nous avons un savoir-faire, mais sans doute, la coutellerie française travaille-t-elle trop en vase clos. Le concept de la collaboration, par exemple, a du mal à prendre, ou alors, toujours avec les mêmes. Il y a du talent chez nos artisans, créateurs, couteliers d'art … Pourquoi doivent-ils aller trouver des entreprises hors de France, pour faire réaliser leurs projets (souvent) ?
Je suis encore un peu énervé par l'épisode d'hier, je ne voulais pas m'en prendre à un coutelier, mais à un principe bien français, qui veut qu'on joue toujours "petit bras". Les entreprises dont nous venons de parler sont la preuve qu'il est possible de faire de la belle coutellerie, en france. Par contre, Messieurs, pensez à cotre communnication, c'est aussi là que le bât blesse. Je ne parle pas de pub payante, mais simplement de l'utilisation des medias existants, et qui ne demandent que ça.
Lorsque je veux faire un article sur un couteau français, je dois l'emprunter à un revendeur. Alors que les auteurs (pas tous) reçoivent régulièrement les couteaux des marques américaines, lorsqu'ils en ont besoin pour leurs articles. Ou même des photos, ce n'est pas un problème, mais quelque chose !!!
Qu'il, est usant de devoir toujours marteler les mêmes choses. C'est ce qui fait que j'aie parfois envie de tout envoyer promener, et d'aller à la pêche !