je cite:
Martine Fournier
Quoi que le miroir grossissant de l’actualité nous suggère, la violence physique et la brutalité des rapports humains n’ont cessé de diminuer en Europe depuis la fin du Moyen Âge. Les homicides y sont devenus résiduels et beaucoup moins ravageurs que les accidents de la route ou les suicides. Le tabou du crime de sang est aujourd’hui profondément ancré dans les sensibilités collectives, affirme l’historien Robert Muchembled qui retrace, dans cet ouvrage, ce long processus d’éradication entre XIIIe et XXIe siècle. De tout temps, montre-t-il, la violence a été essentiellement l’apanage d’une culture juvénile masculine où il s’agissait de défendre son honneur viril sur le marché des femmes, c’est « le pénis et le couteau », selon une expression calabraise d’ailleurs toujours en usage… Le sociologue Norbert Elias, qui avait décrit en son temps ce processus de « civilisation des mœurs », situait l’origine du phénomène dans les cours princières de la Renaissance. Pour l’auteur, c’est dès le XIIIe siècle, dans les villes en pleine expansion, que s’érigent règlements et amendes, polices et institutions judiciaires destinées à sanctionner incivilités, crimes et poussées d’agressivité. Face à la ville « civilisatrice et pacificatrice », les campagnes mettront d’ailleurs beaucoup plus de temps à abandonner leurs traditions viriles de rixes à l’arme blanche et autres pugilats pour accepter l’interdit du sang.