

J’ai remarqué qu’à force d’en faire on devient plus libre et moins obsédé par la technique. Il y a des automatismes qui se mettent en place. On se fait presque un petit rituel avec un ordre des choses à faire qui devient familier. Les méthodes changent un peu quand même, avant par exemple, je commençais par faire la rainure puis tout de suite je perçais l’axe. Maintenant avant de percer le pivot je travaille d’abord la forme du manche, c’est plus précis. Je retouche un peu plus les lames aussi pour arrondir le talon ou adoucir la forme de la lentille.
J’ai trouvé que si on ébouillantait les racines on pouvait plus ou moins les courber et elles gardaient leur nouvelle forme. J’ai aussi expérimenté de nouvelles finitions à l’huile danoise et à l’huile de Tung ainsi que de nouvelles teintes.
La découverte de nouveaux trucs ou d’améliorations est à chaque fois une petite victoire.
Chaque higo me conduit au suivant et chacun est unique. Chaque racine de bambou pose des problèmes particuliers parce qu’aucune n’est vraiment droite et certaines sont même légèrement voilées. Au départ je cherchais surtout des racines les plus régulières possible, finalement je trouve ça plus intéressant de jouer avec les défauts. J’aime de plus en plus ce matériau, sa légèreté et sa flexibilité. Je crois que je le connais bien maintenant et j’essaie de jouer avec les formes naturelles et la symétrie qui s’inverse à chaque nœud.
Sur certains j’essaie de nouveaux trucs qui ne seront vraiment exploités que dans le suivant. Le proto est sacrifié parce qu’imparfait... Avant cela m’énervait au plus au point d’avoir gâché du temps et de l’énergie, sans parler des matériaux. Aujourd’hui je suis devenu très zen par rapport à ça et je jette presque sans état d’âme. Je crois qu’au fur et à mesure de les faire je deviens de plus en plus exigeant et je ne compte plus les manches abandonnés, certains même après en avoir faits des photos, parce qu’un petit défaut de centrage, un détail inesthétique ou le moindre truc qui me déplait. C’est pour ça qu’en trois mois, je n’en présente que 10. J’en ai fait beaucoup plus en réalité.
Par ailleurs j’essaie de privilégier l’esthétique sans pour autant nuire au fonctionnel. Les petits attachements que certains arborent servent aussi bien à équilibrer le couteau dans la main qu’à jouer avec de manière ludique pour modifier la courbe du couteau.
La friction à l’ouverture-fermeture est beaucoup plus agréable que sur un higo normal grâce aux rondelles en bronze et je soigne l’ergonomie et la prise en main. Cela dit sur ce dernier point, c’est facile : le bambou est naturellement ergonomique.
Commençons par le n°28.
Un modèle tout simple muni d’une lame de Myamoto Musashi de 72mm.
L’idée, c’est d’arriver à une forme générale en S comme si la courbe du manche prolongeait la courbure de la lame.
La seule petite fioriture que je me suis permise est dans la rainure qui se termine en double virgule et la finition, à l’huile danoise, façon bois de violon…



Le n°29 a, lui aussi, une lame de 72mm de Miyamoto Musashi. Il est plus compact, plus ramassé et le bambou est dans le sens contraire du higo précédent. Les nœuds sur celui-ci sont de chaque côté.
J’ai essayé une nouvelle teinte pour mettre en valeur le veinage de manière plus contrasté. Par endroits, on dirait une sorte de micarta naturel.



Le n°35 est particulier à mes yeux parce qu’il est fait avec une racine de bambou française et non pas chinoise



