ilium a écrit:Au contraire, c'est exactement comme le Sebenza et la Rolex de ce point de vue: mettons l'image des marques de côté (qui n'a aucun intérêt) et restons en strictement aux objets, à leur fonction, à leur qualité.
Concernant le Sebenza, je ne sais pas, je n'en sais pas assez.
Concernant la Rolex, pour le commun des mortels, impossible de mettre l'image de marque de côté. Juste totalement impossible. Personne, aujourd'hui, n'achète la fameuse Rolex dorée pour ses qualités horlogères. Si 90% de la pub Rolex depuis des décennies se fait sur les stars qui la portent, ce n'est pas un hasard. Rolex ne te parle en priorité ni de mécanisme, ni de solidité, ni de précision : Rolex te parle de statut, de luxe, de vie réussie (cf. Machin du Palais). Rolex, c'est "une attitude", comme on dit. Comme Rolls Royce ou Mont Blanc.
J'écris et je connais un paquet de gens qui écrivent : aucun n'utilise un Mont Blanc. Et aucune des personnes que je connais qui utilisent un Mont Blanc n'écrivent plus de 3 minutes par jour. On appelle ça les "marques statutaires" : elles vendent une image sociale bien avant de vendre un produit physique. En tout cas, elles sont devenues comme ça. On ne naît pas marque statutaire, c'est du boulot, une longue histoire souvent glorieuse, mais qui finit dans le bling-bling intégral.
Si tu t'y connais à mort en horlogerie, et si tu es intellectuellement honnête, tu peux avoir un avis objectif sur Rolex. Mais si tu es comme moi, c'est-à-dire un mec qui porte une montre uniquement pour avoir l'heure, tu es influencé par l'image de marque.
Si je te sers un Dom Pérignon en te disant que c'est un Dom Pérignon, tu auras un mal fou à être objectif. Tu le jugeras en fonction de ta vision des Champagnes de luxe. Un Krug, à la rigueur, c'est jouable, parce que même un néophyte total va remarquer qu'il est différent de tous les autres Champagnes. Mais un Dom Pérignon, ça relève de l'exploit, car son génie est extrêmement sophistiqué, et demande une certaine concentration - un esprit distrait peut passer complètement à côté (tout comme un jeune fan de Ferrari peut très bien ne pas comprendre la splendeur d'une Jaguar seventies). Et pourtant, Dieu sait si les qualités intrinsèques du Dom Pérignon sont immenses !, Dieu sait si ce vin est équilibré, Dieu sait si le mec qui le conçoit est un maître de l'oeonologie mondiale, Dieu sait si le process de production est intègre.… la marque reste quand même un critère terriblement influent dans ton appréciation.
Et si je te dis que Dom Pérignon est dirigé par Moët& Chandon, boum, ça remet une couche de brouillage. Si tu as une mauvaise image de Moët, ça va influencer (à tort) ta perception du Dom Pérignon. Etc. C'est sans fin. Juger Sergeant Pepper's sans tenir compte du fait que c'est un album des Beatles ? Juger Guernica sans tenir compte du fait que c'est un tableau politique de Picasso ? Juger la Joconde sans tenir compte du fait qu'elle est le tableau le plus célèbre de tous les temps ? Bonne chance...
Perceval ? Franchement, je n'en sais absolument rien, sinon que c'est la marque qui crée le Français. Du coup, j'arrive encore à percevoir ce couteau "hors image de marque". Mais plus j'en saurai sur ce marché, plus je serai influencé par l'image des marques. Je déteste Laguiole (la Forge) parce que je déteste le Tour Eiffel, le Alain Delon (vient de sortir), le Eddy Mitchell, le Johnny Hallyday, etc. Mon jugement est voilé par ces produits que je trouve indignes d'un grand nom. Le couteau en lui-même ? Je ne sais pas ce qu'il vaut. Je le vois - certainement à tort - comme un piège à touristes. Vous, vous pouvez juger ses qualités techniques, pas moi.
En revanche, je peux affirmer que le Français est ce que j'ai de plus agréable dans ma collec, en termes d'ouverture / fermeture. Un régal. Du beurre. Le mécanisme (si ça s'appelle comme ça) est exemplaire de discrétion, de simplicité et de fluidité. À côté, le Thiers de Chambriard, c'est une horreur, à ouvrir comme à fermer. Je sais, ce n'est pas du tout le même genre de mécanisme, mais je m'en fous : en bon néophyte, je juge ce que je constate, vu que je ne sais rien de précis, ni sur ces deux marques, ni sur leurs autres produits. Si je choisis l'ouverture / fermeture comme critère, je vais dire : "Le Français est un chef-d'oeuvre de douceur, le Thiers de Chambriard est un bourrin infréquentable". Et il se trouve que ça colle avec ce que je vois : des deux, le Français
a l'air infiniment plus simple. Ça renforce mon impression sur ce couteau : sa sobriété est un luxe. Un jour, je me mettrai à vouloir en savoir plus sur Perceval en tant que marque, entreprise, histoire, réputation, etc. On verra comment ça m'influence. En attendant, je profite.

(Désolé pour ceux qui n'aiment pas la lecture. C'est roulé sous les aisselles. On n'est pas obligé de goûter.)
Les Français qui disent que les Français sont des veaux sont des veaux.